3.1.4. L’endogénéisation optimale des ’coûts d’analyse’ : le modèle de Conlisk [1996]

C’est également cette même logique d’arbitrage optimal (rationnel) entre coût de la décision et qualité de la décision qui anime la perspective récemment impulsée par Conlisk [1988, 1996]. Ce sont néanmoins des ’coûts d’analyse’, et non plus des coûts d’information, que l’auteur entend considérer. Il s’agit en fait, nous dit Conlisk, de donner (enfin) un traitement formel des conséquences de l’existence de ces coûts d’analyse sur l’activité de décision et non plus, comme cela fut longtemps le cas, de se contenter de les évoquer sans plus de précisions. L’auteur suppose donc le problème de la collecte d’informations résolu, ou peut être tout simplement absent. Reprenons brièvement la représentation formelle simplifiée que Conlisk [1996] retient afin d’illustrer son propos.

Soit X une ’‘variable de décision’’ qu’il appartient au décideur de déterminer. On suppose qu’il existe une et une seule valeur de cette variable, X*, telle qu’une fonction de paiement, Π (X), soit rendue maximale. Le décideur dispose de toute l’information nécessaire à la détermination des différentes valeurs prises par Π (X), lorsque X varie. Il peut ainsi, en principe, déterminer X*. La complexité de la fonction Π (X) est néanmoins telle que le calcul de l’ensemble des couples (X, Π (X)) exposerait notre décideur à des coûts d’analyse prohibitifs. Aussi Conlisk fait-il l’hypothèse que le décideur mobilise une ’‘technologie de délibération’’450 qui lui permet d’établir une approximation, de qualité variable, de la valeur de X*. La qualité de ces approximations est une fonction de l’’effort coûteux’451, T, que le décideur retient de consacrer à sa tâche, où C est le coût d’analyse associé à une unité de T. Soit donc X (T) la fonction qui associe à chaque niveau d’effort T une valeur de X. A défaut de vouloir accorder un quelconque effort à sa tâche, il est possible à notre décideur de baser son estimation de X* et, partant, sa décision, sur une ’règle d’expérience’452, Xo. Enfin, Conlisk fait l’hypothèse que la ’technologie de délibération’ du décideur est marquée par l’incertitude. Celui-ci ne sait pas précisément quel sera le résultat produit par le niveau d’effort T retenu. Soit donc μ une perturbation aléatoire associée au processus X (T).

Le processus de délibération, X (T), peut ainsi être envisagé comme une fonction des différents éléments jusqu’ici présentés :

X (T) = G (T, X*, Xo, μ)

Conlisk suppose que X (T) évolue, de façon stochastique, de Xo à X*, à mesure que T est porté de 0 à + ∞. L’auteur peut ainsi écrire :

f (0, X*, Xo, μ) = Xo ; f (∞, X*, Xo, μ) = X*

et {(∂ E [G (T, X*, Xo, μ) - X*]²) / ∂ T} < 0

(la valeur espérée de l’écart entre X (T) et X* se réduit à mesure que T croît)

La tâche du décideur ne consiste plus, donc, à choisir X de sorte à maximiser Π (X), mais à déterminer T tel que E {Π [X (T)]} - CT soit maximal. Il s’agit, pour le décideur, d’optimiser une méta-fonction objectif qui prend non seulement en compte les gains escomptés de la tâche à résoudre, mais aussi les coûts d’analyse encourus.

Notes
450.

Une ’technique d’analyse’, dirions-nous.

451.

Où l’on retrouve, au travers de l’expression ’costly effort’, l’ambiguïté du propos de l’auteur déjà signalée plus haut , à savoir : le souci, inavoué, de réduire les coûts d’analyse -de délibération- à des coûts psychologiques.

452.

C’est la traduction que l’on retient de l’expression ’rule-of-thumb’.