CHAPITRE 6 : La prégnance des réponses habituelles, ou les limites de la flexibilité cognitive

Introduction

Ce sixième et dernier chapitre vient constater, au travers d’une discussion du rôle proéminent qu’occupent les habitudes, le caractère limité de la flexibilité cognitive de l’acteur. Il se compose de trois sections.

Dans le cadre d’une première section, nous livrons une discussion générale du concept d’habitude, tel qu’il se dégage des écrits comportementalistes. Il s’agit en particulier à contraster les réponses habituelles, indissociables d’une certaine rigidité cognitive, avec les réponses décisionnelles, lieu d’une attitude cognitive flexible. Cette présentation nous amène à faire valoir l’existence de synergies hétérodoxes qui voient les traditions comportementaliste, institutionnaliste et autrichienne s’unir autour du concept, plus général, de règle. Nous nous recentrons sur les seuls écrits comportementalistes afin de clore la section sur un examen des questions connexes de la genèse, du maintien et du renouveau de l’équilibre routinier.

Dans le cadre d’une seconde section, nous montrons que le caractère si répandu des réponses habituelles se voit rapproché, à l’instar de la thèse du satisficing, des limitations inhérentes aux aptitudes tantôt cognitives, tantôt motivationnelles de l’acteur. Nous illustrons la première de ces orientations au regard de certains aspects méconnus de la pensée du jeune Simon et, avec plus d’insistance, au travers d’une présentation des travaux de Ronald Heiner. L’orientation motivationnelle est l’occasion d’une discussion de la théorie leibensteinienne des zones d’inertie.

Enfin, une troisième section nous conduit à aborder la question de savoir s’il est possible de donner un fondement rationnel aux habitudes. Plutôt que de reprendre une controverse déjà largement explorée, on le devine, à l’occasion de la troisième et dernière section de notre précédent chapitre, nous nous attachons à articuler les mécanismes du satisficing, d’une part, et de l’habitude, d’autre part. Pour le pseudo-comportementaliste, on le montre, la sélection d’une réponse habituelle peut être assimilée à un comportement de type ’satisficing’. Pour le comportementaliste authentique, si ces mécanismes ne sauraient être rapprochés au titre de leur nature respective, ils partagent néanmoins une même destinée fonctionnelle. Ainsi, ils se révèlent le produit d’une adaptation, ressortant plus particulièrement de la phylogenèse, par où l’Homme s’accommode de ses aptitudes limitées. Cet éclairage évolutionniste est l’occasion d’(e) (ré)affirmer le caractère nécessaire, et au demeurant raisonnable, plutôt que rationnel, des mécanismes tant du satisficing que de l’habitude.