3.2. De la nécessité de recourir aux habitudes...

Au vu de l’évident parallélisme, si ce n’est même de l’identité, des démarches déployées par le pseudo-comportementaliste afin d’offrir un éclairage standard de ces constats empiriques auxquels réfèrent les mécanismes du satisficing, d’une part, et de l’habitude, d’autre part, il doit apparaître inutile de présenter les objections que ne manquerait pas de formuler le comportementaliste authentique à l’encontre des développements inscrits dans la veine du propos de Stigler & Becker [1977]. La perspective d’une endogénéisation optimale des coûts de décision, qu’elle entende soumettre la thèse du satisficing ou rendre compte de la prégnance des habitudes, bute en effet sur des difficultés empiriques et logiques dont on s’est déjà fait l’écho. Aussi ne reviendra-t-on que de façon ponctuelle sur ces objections, pour nous attacher, dans le cadre de cette sous-section, à spécifier et articuler plus finement les domaines du nécessaire, du raisonnable et du rationnel.

Les réflexions que consacrent Leibenstein ou Simon aux habitudes invitent clairement à placer celles-ci sous le signe de la nécessité ; une nécessité que les auteurs semblent percevoir, chacun à leur façon, comme renvoyant aux attributs de la nature humaine. Ce point apparaît particulièrement évident quant il en va de la justification cognitive du caractère prégnant des habitudes suggérée par Simon [1947]. Mais c’est aussi la marque de la nécessité que semble vouloir conférer aux habitudes Leibenstein [1987] lorsque l’auteur rectifie la présentation originelle de sa théorie motivationnelle des zones d’inertie. Chacune de ces présentations repose sur l’existence d’insuffisances d’ordre essentiellement quantitatif qui marqueraient les aptitudes -ici motivationnelles, là cognitives- de l’acteur. Ainsi la présentation de Simon [1947] met-elle l’accent sur la quantité limitée de ressources attentionnelles dont dispose l’individu, sur un laps de temps donné, afin de faire face aux sollicitations multiples qui voient jour au fil de ses activités. De même la perspective de Leibenstein [1976, 1987] esquisse-t-elle l’image d’un décideur qui serait doté d’une énergie motivationnelle en quantité limitée, se laissant ainsi volontiers envahir par une forme d’aversion pour l’effort. Mais si dans l’une comme l’autre de ces interprétations les mécanismes de l’habitude peuvent sans doute apparaître raisonnables, ils ne sauraient être communément tenus pour rationnels.

Le nécessaire, le raisonnable et le rationnel... tel était déjà, précisément, le triptyque mobilisé à l’occasion de notre discussion comparée des éclairages comportementalistes et pseudo-comportementalistes de la thèse du satisficing. Deux lignes de contraste permettent, en fait, de bien asseoir la signification de ce triptyque : il s’agit ainsi, d’abord, de contraster le domaine de la nécessité avec celui de la rationalité -limitée ou optimale- ; il s’agit, ensuite, de distinguer le domaine du raisonnable de celui du rationnel -ou de revenir, justement, sur la distinction entre rationalité limitée et rationalité optimale. Reprenons ici chacun de ces contrastes.