Introduction

Dans le domaine des études interactionnelles, les interactions impliquant un grand nombre de participants ne connaissent pas spécialement la faveur des linguistes, ce qui s’explique en partie par le caractère extrêmement complexe de ce type d’objet. Cependant, il existe un certain nombre d'études, essentiellement sociologiques et psychosociologiques portant sur ce type d’interactions appelé "réunion" [meeting]. Ces meetings se rencontrent dans tous les domaines de la vie sociale : milieux de travail, mais aussi milieux associatifs, politiques, sportifs, culturels. Leur axe de variabilité est très étendu puisqu'en les étudiant, nous touchons au fonctionnement des groupes sociaux en général ; il se structure essentiellement autour des contextes institutionnels et organisationnels existant dans notre société.

‘In an important if obvious sense, no "organization" exists prior to communication : organisations are talked into being and maintained by means of the talk of the people within and around them. (...) Meetings, essential to any organisation (...) are the critical nodes in such communication networks (Bargiela-Chiappini & Harris, 1997 : 4-5).’

Dans les différents milieux professionnels où j'ai exercé toutes ces années, les réunions m'ont toujours intéressée et intriguée parce qu'on y repère deux types de comportements complètement opposés : chez certains participants un investissement maximal et une énergie parfois démesurée ; chez d'autres au contraire la passivité de ceux qui "se mettent sur la touche". Pour tenter de décoder ces comportements, j'ai décidé de diriger mon questionnement de linguiste sur une sphère d’utilisation du langage : le "langage de réunion". La pratique de la réunion est une activité tellement répandue qu’elle incite à l'interrogation sur ses fondements, ses conditions, ses finalités, les pratiques langagières qu’elle engendre, la place qu'elle occupe dans la construction collective du sens. Elle soulève la question suivante : la réunion pourrait-elle être reconnue comme une activité humaine basique dans une construction collective du sens ? Questionnement présent tout au long de la réflexion de F. Bargiela-Chiappini et S.J. Harris qui avancent :

‘Meetings are the essence of many if not most organisations ; in fact, one could argue that they are the organisations themselves, and face-to-face communications is not likely to be phased out by technological development (ibid. : 7).’