Une interaction globalement affiliative

Dépendant d'une part de la taille et de la morphologie du groupe, d'autre part des finalités de l'interaction, les multiples formes de la coopération que j'ai décrites sont en rapport avec la place prise par la procédure et le protocole. Ce constat rejoint des conclusions formulées dans différentes études sur les réunions de travail.

M. Lacoste (1998 : 43) s'interroge sur l'équilibre entre ce qui est de l'ordre de la "procédure" et ce qui est de l'ordre de la "ressource" ; sur la répartition entre les "hommes" et les "technologies" organisationnelles, ou entre ce qui est prescrit et ce qui est laissé à l'initiative des acteurs. Or au Conseil municipal, le poids de la procédure juridique et administrative évoqué à plusieurs reprises, est considérable. C'est le meilleur moyen pour régler les problèmes de coopération car la procédure est un système conceptuel commun permettant l'échange d'expériences et facilitant la coordination des actions, comme l'expliquent P. Périn et M. Gensollen (1992) quand ils soulignent que la communication à plusieurs ne va pas de soi. L'axiome "plus on est nombreux, plus on doit coopérer" se vérifie dans un rassemblement comme celui du Conseil municipal et se réalise par la coordination de multiples tâches permettant la communication de face-à-face : la gestion de la parole par le maire, la focalisation du discours par un ordre du jour, le contrôle des statuts garanti par la procédure, la régulation socio-affective grâce aux usages protocolaires, une collaboration tacite, enfin des activités de contrôle diverses qu'il serait très intéressant d'étudier de façon plus approfondie.

D'autre part, j'ai pu développer la notion de protocole dans son sens spécifique. Plus que toute autre forme de communication, les échanges protocolaires sont rendus possibles à partir de règles communes qui prouvent que la coopération est une recherche permanente d'équilibre dans les relations. Dans un environnement réglementaire comme le Conseil municipal, cet équilibre est à trouver dans la gestion d'une double contrainte : le respect des normes "normées" du règlement, qui renvoient aux contraintes externes relevant d'un processus d'application, et le respect des normes tacites du protocole, qui sont le résultat d'un processus par adhésion à un code de conduites en usage dans ce type de situation. Les nombreuses traces discursives que j'ai mises en évidence prouvent que les deux processus sont conjointement activés dans des échanges, bouclés sous la pression de la procédure, et guindés sous l'effet de la cérémonie officielle, reléguant la fonction décisionnelle, dans ce type de situation, vers d'autres instances. Pour travailler sur ce type d'oral, il paraît donc impératif de se référer à d'autres lieux de parole (commissions diverses, bureau des adjoints) afin d'avoir accès à la source des discours rapportés en séance plénière. Il s'agit là d'une piste de travail supplémentaire, destinée à faire le lien entre l'univers des huis-clos et celui des plénières.

Enfin, les facteurs de coopération liés aux rapports de sexe, d'âge, de formation professionnelle, aux affinités, aux formes de compétence et aux coalitions d'intérêt ne sont pas pris en compte ici, mais pourraient également donner lieu à un questionnement complémentaire.