Un scénario de la démocratie

Dans la partie argumentative de cette étude, j'ai esquissé une description de la délibération en insistant sur les procédés argumentatifs qu'elle peut engendrer dans le cadre d'une majorité forte. C'est au cœur de la confrontation d'opinions que les enjeux (réels et symboliques), liés à l'exercice de la responsabilité communale, s'expriment dans l'interaction de face-à-face. Les hommes porte-parole d'une petite partie de l'opinion publique (les minoritaires) et ceux qui sont représentants d'instances pourvues d'autorité (les majoritaires) ne sont pas à égalité.

La mise en scène interactionnelle place les élus dans un jeu de définition de soi où chacun d'eux attribue aux autres des représentations en fonction de cette inégalité. Les élus de l'opposition construisent alors un éthos paradoxal : devant leur inefficacité dans les faits, ils se victimisent mais défendent en définitive leur dignité malgré toutes les embûches. Les jeux corporels et les échanges montrent comment le risque permanent d'affrontement et de déstabilisation est esquivé autant que possible par des stratégies préférentielles qui se constituent en rituels, et des conduites d'évitement, de réparation, de protections diverses.

J'ai enfin pu mesurer un écart entre le conformisme de certains comportements et la singularité des réactions improvisées qui laissent place au ludique et à la fantaisie, dans le but de remplir le dernier de mes objectifs : montrer comment une interaction inédite, partiellement spontanée, s'intègre dans le cadre protocolaire, et se crée malgré lui, prouvant encore une fois, qu'au niveau de la relation sociale rien n'est définitivement pré-codé, même si des contraintes, des attentes, et des scripts pré-déterminent le cours des échanges.