1.2.3.2 Conditions d’efficacité d’un système de gouvernance

D’une façon générale, “l’efficacité d’un système de gouvernement se juge alors sur sa capacité à assurer la pérennité de la firme ”40. Pour cela, tout système de gouvernement qui se veut efficace doit garantir la viabilité de la coalition qui permet à l’entreprise d’être créatrice de richesses . Il doit pouvoir fidéliser notamment ses acteurs internes pour qu’ils ne ressentent point la volonté de quitter l’entreprise.

La théorie de la gouvernance suggère que l’entreprise doit tout faire pour que la richesse créée soit répartie en fonction de la contribution des différents acteurs à la création de celle-ci. Ainsi, on pourrait prévenir de façon durable que des acteurs insatisfaits nuisent au fonctionnement de l’entreprise avec la crainte si on n’y prend pas garde d’hypothéquer l’avenir de l’entreprise. Cela éviterait la spoliation d’un groupe au profit d’un autre. Sous un aspect curatif tout système de gouvernance doit également mettre en place un dispositif permettant de faciliter la résolution des situations de crise au moindre coût. D’un point de vue préventif, l’efficacité d’un système de gouvernement semble passer par la mise en oeuvre des mécanismes facilitant une communication ouverte avec les différents acteurs, ce qui permet d’éviter certains dysfonctionnements et de faire remonter l’information spécifique, tout en évitant les incidences négatives de tensions d’influence. Dans la perspective de notre recherche, la prise en compte des éléments évoqués ci-dessus pourrait permettre d’élargir l’intersection des intérêts des différents acteurs et leur degré d’implication du fait qu’ils seraient satisfaits des rétributions accordées eu égard aux efforts fournis pour faire avancer l’entreprise tel que l’illustre les figures 3a et 3 b

Figure n°3 Bonne gouvernance socio-économique des entreprises.
Figure n°3a Situation actuelle dans les entreprises burundaises
Figure n°3b Situation pouvant résulter d’une meilleure prise en compte des impératifs de bonne gouvernance de l’entreprise

C’est dans cette optique que G. Charreaux41 considère que le gouvernement d’entreprise doit largement dépasser les seules relations entre actionnaires et dirigeants dans la mesure où les décisions managériales ont des conséquences sur le bien être de l’ensemble des acteurs de l’entreprise et impliquent l’ensemble des mécanismes qui gouvernent les décisions des dirigeants et qui définissent leur espace discrétionnaire. Une théorie du gouvernement des entreprises sera donc comprise comme une théorie du pouvoir discrétionnaire managérial traduisant la latitude dont disposent les dirigeants pour gérer les différents contrats. Il est donc important de souligner que l’idée principale qui sous-tend la théorie de la gouvernance d’entreprise est la nécessité de mettre en place “  une structure de gouvernance qui permet de s’assurer que la richesse créée est répartie de façon équitable ”42. Pour cela, le système de gouvernement doit veiller à ce que les intérêts de tous ceux qui participent au développement de l’entreprise soient pris en compte dans les objectifs poursuivis.

Il nous paraît important lorsqu’on se fonde sur les réflexions de M. Jensen et W. Meckling43 qui considèrent que les actionnaires ne sont propriétaires que des capitaux apportés tandis que les autres partenaires “ détiennent ” les autres facteurs de production, d’envisager d’autres perspectives pouvant guider la recherche de mécanismes de gouvernance d’entreprise dans le sens d’une prise en compte accrue des intérêts des différents acteurs comme impératif d’amélioration du fonctionnement de l’entreprise. Cette approche serait la meilleure façon d’élargir la zone d’intersection des objectifs du groupe dirigeant avec ceux des autres membres du personnel. Cela aurait pour conséquence d’éviter la relation antinomique entre performance économique et performance sociale qui semble être une réalité dans la plupart des entreprises et plus particulièrement en Afrique Centrale. Un système de gouvernance serait dit efficace d’une part dans la mesure où il permet de maximiser la création de valeur tout en évitant la spoliation d’une catégorie d’acteurs d’autant plus que Klein considère l’entreprise comme “ un noeud de contrats ”44, et d’autre part si aucun autre système ne permet d’obtenir des résultats jugés plus élevés par ces mêmes acteurs. Ce qu’il faut donc rechercher, c’est ce degré optimal de latitude managériale du dirigeant qui évite qu’un excès de latitude managériale, comme c’est le cas dans les P.M.E. africaines, ne conduise à négliger les intérêts de certaines catégories de parties prenantes dans la création de valeur, ce qui, à terme, peut compromettre la survie de l’entreprise.

Du point de vue des P.M.E., G. Charreaux propose du fait que le débat sur la gouvernance d’entreprise a été pendant longtemps centré sur les relations entre actionnaires et dirigeants que ce concept de gouvernance soit étudié désormais en examinant les relations qui lient l’entreprise aux créanciers comme les banquiers et aux salariés d’une part et d’autre part celles de partenariat et de sous-traitance.

Replacé dans le contexte burundais, il est très difficile de dire si les relations entre les banques et l’entreprise peuvent réellement avoir une influence sur la latitude managériale du dirigeant burundais de P.M.E. car les banques interviennent peu pour suivre ce qui est fait des crédits accordés aux entreprises et elles se trouvent fréquemment en difficulté du fait de certains dirigeants d’entreprises qui n’arrivent pas à faire un emploi judicieux des crédits qui leur sont accordés.

Comme la corporate governance au sens de R. Maëder et D. Pham45 recouvre les relations existant entre les actionnaires, le conseil d’administration, la direction de l’entreprise, les pouvoirs publics, les commissaires aux comptes et plus largement toute personne impliquée dans le fonctionnement de l’entreprise, il apparaît nécessaire de préciser l’angle qui pourrait être retenu dans le cadre de notre recherche. Cependant avant de préciser l’angle sous lequel la problématique de gouvernance d’entreprise est abordée dans notre travail de recherche, il nous paraît important de signaler les conflits existant entre dirigeants et actionnaires notamment à propos des recrutements de collaborateurs “  recommandés ” peu indiqués pour occuper des postes à pourvoir. D’autres trouvent des manières détournées pour se partager la rente créée par l’activité de l’entreprise comme nous le signale cet actionnaire:  “  ‘Cela fait plus de trois ans que j’ai acheté des actions dans cette entreprise mais jamais je n’ai touché de dividendes. Cependant, je suis prêt à garder mes actions dans l’entreprise car j’ai au moins mon épouse qui y occupe un emploi bien rémunéré. Pour les autres, je ne sais pas comment ils tirent leur épingle du jeu ”. ’

Sans oublier les effets que de tels conflits peuvent avoir sur le développement voire la pérennité de ces entreprises, nous avons choisi de privilégier dans la gouvernance d’entreprise la prise en compte des collaborateurs directs des dirigeants , pour améliorer l’efficacité de l’entreprise; ce qui demande à ces derniers d’allouer certains espaces de décisions à leurs collaborateurs pouvant même aller jusqu’à l’ensemble du personnel; ce qui réduirait certes leur latitude managériale mais pourrait permettre une efficacité supérieure de leur gestion. Ainsi, nous nous intéresserons particulièrement à l’étude des relations devant exister entre le dirigeant et les acteurs internes de l’entreprise en vue de mieux assurer la pérennité et le développement de l’entreprise. Cette prise en compte des acteurs internes sera considérée sous l’angle d’un large partage de prise de décisions et de leur mise en oeuvre comme moyen pour l’entreprise d’impliquer davantage le maximum d’acteurs pour un développement soutenu de son activité.

Cependant une telle dynamique ne pourra s’instaurer qu’à la condition de disposer d’un “ capital confiance ” suffisant afin de pouvoir faire de la délégation concertée un outil de base capable de rapprocher en fin de compte les intérêts de l’entreprise à ceux de l’ensemble des acteurs internes.

Notes
40.

idem, p444

41.

Idem, p 471

42.

A. Hyafil, “  Système financier et système de gouvernance ”, Groupe HEC, CR 576 / 1996; pp 1 - 4, 19 pages

43.

M. Jensen et W. Meckling in B. Gardien et B. Rousseau, “  Théories de l’agence ”, p 6, Les cahiers de SUP de CO de Poitiers, n°2, avril 1992, pp 5 - 13

44.

Klein cité par B. Gardien et B. Rousseau, idem, p 6

45.

R. Maëder et D. Pham, “  Contrôle interne et gouvernement d’entreprise ”, WP HEC 1997/615, 22 pages