1.2.4.2 Conditions d’efficacité du travail en équipe

La performance d’une équipe dépendra fondamentalement de la façon dont on prend compte les trois éléments:

  • les connaissances techniques,

  • le mode de résolution des problèmes et la prise de décision ainsi que

  • les échanges entre acteurs.

Pour que le travail en équipe soit générateur d’efficacité au niveau de toute l’entreprise, il faudra qu’il soit engagé dans le sens donné par P. Drucker comme étant un moyen de “ gérer la connaissance ”80 dans la mesure où il doit permettre de mettre en valeur toutes les compétences existantes au sein de l’équipe.

De manière générale Manfred F. R. Kets de Vries81 étudiant les sociétés des pygmées des forêts d’Afrique dégage quelques éléments qui sont à la base de l’efficacité d’une équipe. De ses observations, il tire les lignes de conduite suivantes:

  • les membres se respectent et ont confiance les uns envers les autres car si on veut qu’une équipe fonctionne, il est nécessaire d’accroître la confiance et le respect mutuel;

  • les membres se protègent et se soutiennent mutuellement et c’est cette protection et ce soutien mutuels qui constituent le ciment du travail en équipe et qui préserve l’équipe de sa dislocation en cas de graves difficultés;

  • les membres sont capables d’une communication et d’un dialogue ouverts ce qui implique un partage volontaire et libre des idées indépendamment de la position des uns et des autres;

  • les membres partagent un but commun important dont l’exécution apporte à tous un sentiment d’accomplissement individuel;

  • les membres partagent des valeurs et des croyances fortes qui ont une influence véritable sur la réalisation des objectifs de l’équipe considérée,

  • les membres souscrivent à la distribution des tâches en vigueur et affichent une volonté renouvelée de partager les buts avec les autres membres de l’équipe. Ils évitent les conflits inutiles et traitent les autres membres de l’équipe avec respect, tiennent compte et discutent du retour d’informations sur l’activité de l’équipe, posent les questions qu’il faut tout en faisant montre de tolérance et de flexibilité.

Au niveau de l’entreprise ou des organisations, toute référence au travail d’équipe devra être dictée par la nécessité de rechercher la cohérence entre la poursuite d’objectifs communs et l’unité dans l’action. C’est à ce titre que Susan A. Mohrman et Allan M. Mohrman82 considèrent qu’une équipe sera considérée comme performante dans la mesure où:

  • elle atteint ses objectifs de façon efficace et efficiente;

  • contribue à l’efficacité de toute l’entreprise,

  • perfectionne ses compétences et contribue de manière continue à l’accroissement des performances de l’entreprise;

  • favorise une plus grande implication des différents acteurs dans l’activité de l’entreprise.

Compte tenu des problèmes à régler, le travail en équipe peut être envisagé à différents niveaux de gestion dans l’entreprise:

  • à la tête de l’entreprise, le dirigeant et son équipe “ de direction ” définissent l’ensemble de choix fondamentaux qui engagent pour longtemps l’avenir de l’entreprise et mettent en jeu son avenir,

  • au niveau du pilotage stratégique réparti entre les hommes qui, régulièrement interprètent collectivement les règles du jeu, mettent en oeuvre le potentiel de l’entreprise et le développent selon les objectifs de base,

  • au niveau de la gestion courante ou opérationnelle qui est confiée à l’ensemble des responsables et des membres du personnel chacun dans la limite de ses attributions devant exploiter le potentiel de l’entreprise.

Concernant l’efficacité d’une équipe, les critères d’homogénéité et d’hétérogénéité sont souvent mis en avant sans toutefois déterminer lequel des deux critères est le plus important. Ainsi, Anzieu et Martin considèrent que “ ‘l’efficacité des communications requiert une homogénéité des membres : homogénéité du niveau de culture et des cadres mentaux de référence, homogénéité de l’équilibre psychique ’”83. Quant à l’hétérogénéité elle est considérée comme “ ‘un facteur de richesse des échanges, de créativité du groupe et de division efficace des rôles’ ”84 permettant ainsi de dynamiser et d’enrichir l’équipe.

Comme il est souvent impossible de constituer une équipe pouvant disposer de compétences permettant la maîtrise de toutes les sphères de l’activité de l’entreprise, il importe de concevoir le travail en équipe comme créateur de synergie afin de pouvoir servir tous les domaines d’activité de l’entreprise. C’est dans cette optique que I. Adizès85 a proposé une conception opératoire du travail en équipe où il conçoit l’équipe comme un processus synergétique dans lequel chacun des participants s’enrichit de ses contacts avec les autres participants. Chacun peut alors accroître ses aptitudes et développer sa personnalité dans un milieu formateur, et cet enrichissement personnel constitue l’une des valeurs créées dans le processus. Adizès part du fait que l’organisation est constituée d’individus ayant à des degrés divers les caractéristiques P: de producteur, A: d’administrateur, E: d’entrepreneur; I: d’intégrateur et souligne que l’ensemble PAEI est supérieur à la somme des parties (P) + (A) + (E) + (I). Il considère que le management recherche la synergie: que par exemple les exécutants qui sont davantage (P), la direction et les cadres qui sont davantage A et E devraient apprendre à travailler ensemble (I) pour réussir mieux qu’en travaillant isolément. Une telle approche permet de créer un climat où le personnel peut échanger librement ses idées, coopérer plutôt que se battre, pratiquer un apprentissage mutuel, et partager la responsabilité des résultats atteints. Cela permet donc de ne plus considérer le dirigeant comme seul responsable des projets et plans, de leur mise en ouvre et de leur contrôle, mais de prendre en compte avec leurs compétences et des motivations nouvelles l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

De la même manière, Ch. Margerison et D. McCann86 considèrent que des équipes échouent souvent lorsqu’elles sont composées de membres ayant tous la même vision du monde, laissant ainsi échapper des opportunités et qu’ils souffrent de l’effet peu productif de groupe. Ils énoncent des principes qui devraient guider les équipes performantes:

  • existence d’un coordinateur clé,

  • fixation des objectifs élevés et atteints régulièrement,

  • satisfaction dans le travail,

  • bonne coopération entre les membres,

  • respect du manager d’équipe pour l’exemple qu’il donne,

  • capacités équilibrées par rapport aux rôles joués,

  • les membres possèdent un haut degré d’autonomie,

  • les membres redressent rapidement les erreurs,

  • sont tous orientés clients;

  • font preuve de hautes capacités pour résoudre les problèmes et

  • passent régulièrement en revue leurs performances et sont très motivés.

Du point de vue de la direction, la mise en place d’une équipe devrait se référer à la proposition de J. Galbraith87 qui considère qu’une équipe de travail devant intervenir au niveau de toute l’entreprise doit réunir certaines conditions pour qu’elle puisse être efficace:

  • perception pour chaque membre de l’importance de sa participation à l’équipe tant pour l’organisation que pour lui-même;

  • une partie substantielle de l’équipe doit être composée de personnes directement impliquées dans la mise en oeuvre des décisions qui sont prises;

  • les participants doivent avoir l’autorité suffisante pour engager leurs propres structures;

  • l’organisation en question doit accepter au sein de l’équipe l’influence fondée sur la connaissance et l’information et non sur le niveau hiérarchique.

De façon plus ou moins idéaliste, une équipe efficace peut être considérée comme un forum ouvert dans lequel chaque membre participe dans le processus de prise de décision, que ce soit le chef et ses collaborateurs, jusqu’à ce que la décision soit prise et ses résultats analysés.

Notes
80.

P. Drucker, “  La fin de l’autorité hiérarchique ”, p 43, Harvard l’Expansion / Eté; 1993, pp 33 -44

81.

Manfred F.R. Kets de Vries, “ High performance teams: lessons from the pygmees societies ”, pp 11 - 20, INSEAD, 1997, 27 pages.

82.

Susan A. Mohrman et Allan M. Mohrman, “  Designing team - based organizations. A workbook for organizanitional self-design ”, op cit.

83.

Anzieu et Martin in R. Mucchielli, “  Le travail en équipe ”, op cit, p 35

84.

idem p 35

85.

I. Adizès, “  L’ère du travail en équipe. La méthode ADIZES . Méthodes de diagnostic et règles d’actions ”, pp 222 - 255, Editions d’Organisation, 1980, 267 pages.

86.

Ch. Margerison et D. McCann, “  Team management ” pp 161- 168, InterEdition, 1992

87.

J. Galbraith cité par G. Faure, “  Structure, organisation et efficacité de l’entreprise ”, p 81, Dunod, 1991, 246 pages