2.2.1.2 Les programmes d’ajustement structurel dans l’économie burundaise

Le programme d’ajustement structurel initié depuis 1986 visait notamment l’instauration d’une gestion macro-économique saine, la recherche de l’efficacité du secteur productif et l’augmentation des revenus des populations afin de pouvoir lutter efficacement contre la pauvreté.

Les principales réformes ont été axées sur la politique budgétaire, les instruments de programmation des dépenses publiques, la restructuration des entreprises et la réforme administrative.

Concernant la réforme budgétaire, les mesures préconisées ont porté sur les dépenses publiques et les recettes publiques.

Au niveau du secteur des entreprises publiques, la politique était dictée par la volonté de réduire le poids des entreprises publiques sur les finances publiques. Cette politique s’est traduite par des mesures de privatisation de la gestion ou du capital des entreprises publiques qui travaillent sur une base commerciale et / ou industrielle rentable, la liquidation de celles qui ne présentent pas de chance d’être redressées et qui sont ni stratégiques ni potentiellement rentables; la réhabilitation pour les entreprises jugées stratégiques pour le fait qu’elles offrent des biens ou des services essentiels à la population ou qui ne devraient pas être confiées au privé du fait de la nature particulière publique de leur mission et la soumission des entreprises publiques au même régime fiscal que le secteur privé. Ces mesures devraient déboucher sur une amélioration de leur contribution aux ressources du trésor et sur une meilleure rentabilité.

Dans le but d’accompagner ces mesures, le “ Service Chargé des Entreprises Publiques ” fut mis en place pour mener ces réformes au cas par cas. Ainsi, deux types de réformes ont été retenues à savoir le redressement des entreprises sur base d’études diagnostiques et d’audits comptables et financiers et la mise en place d’une assistance à la gestion des entreprises s’il s’avérait que leurs difficultés étaient liées à la gestion.

On peut cependant noter qu’en dépit de ces réformes, les progrès enregistrés ont été limités suite aux raisons suivantes:

  • l’engagement insuffisant de l’activité et la faible adhésion de l’opinion publique à la politique de privatisation,

  • l’inadéquation des techniques d’évaluation des entreprises publiques à privatiser;

  • l’insuffisance de l’épargne nationale privée.

Au niveau de la réglementation des changes, les réformes ont concerné les mesures suivantes:

  • concernant le taux de change, il s’agissait d’appliquer une politique souple du taux de change et de réformer le système de gestion,

  • quant à la libéralisation du taux des changes, les mesures prévues concernaient la suppression des restrictions frappant les transactions internationales courantes et la mise en place d’un système ouvert d’octroi généralisé de licences d’importation et d’exportation.

Les réformes engagées dans le cadre du Programme d’Ajustement Structurel ont concerné également le système fiscal inapproprié qui avait privilégié l’objectif budgétaire et la protection de l’industrie locale inhibant de ce fait l’esprit de concurrence. La réforme tarifaire qui est intervenue au cours des deux premières phases du PAS visait à réduire la protection tarifaire, à remplacer les restrictions quantitatives sur les importations par des droits de douane et à simplifier le tarif douanier. Ainsi, depuis 1986, le nombre de ces droits a baissé de 57 à 5, la fourchette des taux a été fixée entre 10 et 40 % à l’exception des produits de luxe.

Le marché du travail a lui aussi fait l’objet d’importantes réformes pour stimuler la création d’emploi parmi lesquels il faut noter:

  • la suppression de l’impôt progressif sur la main d’oeuvre,

  • l’assouplissement de la réglementation relative aux commerçants ambulants,

  • la libéralisation des procédures de recrutement,

  • l’assouplissement de la législation de l’emploi vis -à- vis des étrangers,

  • l’autorisation donnée aux employeurs de négocier librement les salaires des diverses catégories professionnelles à l’exception du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti et enfin,

  • la promulgation en juillet 93 d’un code du travail révisé.

En vue d’améliorer les mécanismes de fonctionnement normal du marché des biens et des services, le contrôle des prix a été progressivement assoupli. Dans ce cadre, tous les prix de gros et de détail ont été libéralisés à l’exception des prix des produits pétroliers.

Concernant le secteur privé, des mesures ont été mises en oeuvre et ont concerné le code des investissements, le relèvement des plafonds qui frappent les transferts de revenus des ressortissants étrangers (salaires, loyers, dividendes et bénéfices) et l’établissement de réglementation les concernant, la suppression du dépôt obligatoire pour les importateurs ayant investis au moins 20 millions de FBU dans le secteur productif et l’instauration des institutions de soutien au secteur privé.

Lorsqu’on s’interroge sur le bilan des mesures prises dans le cadre du PAS, on doit préciser que l’appréciation des résultats ne peut être objectivement réalisée que sur la période 1986 - 1992, étant donné que depuis Octobre 1993, le pays est plongé dans une crise socio-politique sans précédent, qui a compromis tous les efforts de relance économique pratiqués antérieurement.

On peut cependant affirmer au regard de certains indicateurs macro-économiques que des progrès réels avaient été réalisées. Ainsi, sur la période considérée, le taux de croissance de l’économie burundaise a été de 3,8% contre en moyenne 0,5 % pour les autres pays à potentialités comparables en Afrique subsaharienne. Jusqu’à la crise d’octobre 1993, l’économie burundaise avait pu réaliser une croissance supérieure au taux de croissance démographique.

L’inflation a été maîtrisée à une moyenne de 6% sur la période 1986 - 1992. Son niveau le plus bas ayant été de 4,5% en 1992. La politique budgétaire initiée a permis de réduire le déficit global des opérations de l’Etat à 11% du PIB entre 1986 et 1992 contre 13,3% entre 1980 et 1985 et de dégager une épargne publique positive sur la période 1986 à 1992.

Durant cette période, des progrès appréciables ont été globalement réalisés dans l’amélioration de l’environnement de l’activité économique: assouplissement du cadre légal et administratif des affaires, libéralisation de l’économie; des progrès moins sensibles ont été observés au niveau de la gestion des ressources publiques, de la réforme des entreprises publiques et de la transformation du système productif. Au niveau de la base productive, l’économie est restée dominée par un secteur agricole encore traditionnel dans tous ses aspects. Au niveau du secteur privé, on doit déplorer qu’il soit resté à un stade embryonnaire malgré les efforts faits en vue d’établir un environnement légal et institutionnel plus incitatif pour la promotion de l’investissement privé même si des signes de dynamisme dans le secteur privé ont été observables.

Au niveau du secteur extérieur, la situation était très favorable avec un niveau des réserves de change supérieur à trois mois d’importations. Cependant, il faut signaler que ce confort de ressources en devises provenait moins des performances des secteurs d’exportation que des aides extérieures en appui au programme d’ajustement structurel. Ces aides se sont traduites par un alourdissement de l’endettement extérieur, bien que le Burundi ait régulièrement eu recours à des emprunts à des taux d’intérêts très bas et remboursables sur de très longues périodes. Ainsi, l’en-cours de la dette extérieure exprimée en pourcentage du PIB a plus que doublé entre 1986 et 1992, passant de 46,4% à 102,2% du PIB. Une partie fixe de cette augmentation est cependant imputable aux ajustements monétaires car le Fbu s’est déprécié à un taux moyen annuel de 9,1% par rapport au $ US sur la période de 1986 - 1992. Quant au service de la dette, exprimée en pourcentage des exportations de biens et de services non facteurs, il est passé de 24% en 1986 à 47,5% en 1992.

Dans le domaine de la politique monétaire et du crédit, il y a lieu de noter que l’expansion de la masse monétaire est restée en deça de celle du PIB nominal. Toutefois, malgré les mesures de libéralisation du système financier prises pour encourager la concurrence dans le secteur, cette dernière est restée limitée et la structure oligopolistique du système bancaire burundais n’a pas permis de canaliser l’épargne vers l’investissement productif privé.