2.2.1.3 Effets de la crise sur la vie socio-économique

Depuis l’éclatement de la crise socio-politique en octobre 93, la santé économique et financière du Burundi n’a cessé de se dégrader. La récession a été telle qu’à la fin de 1997 qu’on estimait que l’économie réelle avait enregistré un recul d’au moins 10 ans. Si on prend l’année 1992 comme année de référence, le PIB réel avait accusé une baisse cumulée de près de 20 %.

Les acteurs agricoles et manufacturiers ont été les plus pénalisés même si cette crise a eu des répercussions sur l’ensemble de la vie nationale.

Tableau n°2.1 Evolution de l’inflation
Année 1995 1996 1997 1998
Taux d’inflation + 19,2% 26,5% 31,1% 12,5%
Tableau n°2.2 Evolution des différents secteurs d’activité par rapport au PIB
Secteur 1995 1996 1997 1998
Primaire - 3,1% - 3,6% + 0,6% 1,9%
Secondaire - 10% -12,7% + 3,1% 3,5%
Tertiaire -0,8% -12% +1,8% 2,6%
[Note: Source : Tableaux faits à partir des rapports annuels de la Banque Centrale du Burundi]

Le secteur agricole a souffert du climat d’insécurité généralisée et en particulier du phénomène du déplacement intérieur des populations fuyant les massacres et ne pouvant plus vaquer en toute quiétude aux travaux champêtres.

Le secteur manufacturier quant à lui, déjà fragilisé par l’exiguïté du marché intérieur et par un environnement sous-régional miné par la guerre civile, a été durement frappé par les sabotages rebelles du courant électrique souvent prolongés sur la période de 1995 à 1997 ainsi que par le blocus économique décrété en 1996 contre le Burundi par certains pays de la région. En outre, l’insécurité qui a prévalue sur les axes routiers a désorganisé les circuits d’approvisionnement en matières premières et de commercialisation des divers produits. Le secteur tertiaire a lui aussi subi les méfaits de la crise et de l’embargo surtout du fait des perturbations engendrées par l’insécurité des voies de communication et par le blocus.

En matière de prix, les difficultés d’approvisionnement en produits vivriers, suite à l’insécurité sur les axes routiers reliant l’intérieur du pays à la capitale Bujumbura et suite aux méfaits du blocus économique, conjuguées à une forte augmentation du financement bancaire des déficits publics ont occasionné une hausse des prix. Ainsi, l’accroissement de l’indice des prix à la consommation des ménages de Bujumbura est passé de 4,5% en 1991 à 31,1% en 1997.

Au niveau social, la crise qui sévit au Burundi a eu des répercussions dramatiques sur le plan social. Outre les nombreuses pertes humaines à déplorer, la crise a fait apparaître un nouveau phénomène de sinistrés de guerre, dépouillés de tous leurs biens et souvent forcés de quitter leur lieu de vie pour fuir les massacres. Cette tendance à la paupérisation s’est accélérée à partir de 1993 avec le phénomène de déplacés de guerre intérieurs et de réfugiés extérieurs. A la fin de 1997, ces deux catégories de sinistrés se chiffraient respectivement à 10 % et 6% de la population totale.

Concernant l’accès aux infrastructures sociales de base les déplacements des populations ont limité leur accès. Ainsi, au niveau des services de l’éducation, le taux brut de scolarisation qui avoisinait plus de 70% pour l’enseignement de base est passé en moyenne à 44,2% entre 1994 et 1997. L’enseignement à tous les niveaux est confronté aux problèmes du manque de personnel enseignant suffisant et qualifié avec un accent particulier dans les collèges communaux. L’exiguïté des infrastructures scolaires et universitaires ainsi que l’insuffisance du matériel didactique constituent des contraintes supplémentaires freinant tout progrès dans ce secteur.

Dans le domaine de l’emploi, malgré l’absence de statistiques traitant de ce sujet, on doit signaler que les performances n’ont pas été importantes. Au niveau du secteur privé, les entreprises ont plus eu tendance à débaucher surtout à cause de la compression des ventes. Dans 4 des 5 entreprises avec lesquelles nous avons travaillé dans le cadre de cette thèse, 30% des employés ont été débauchés. Du fait de l’amenuisement des ressources publiques, l’Etat qui est en général le premier grand employeur au Burundi n’a pas pu embaucher les nouveaux demandeurs se présentant sur le marché de l’emploi. Seuls les secteurs de la santé et de l’éducation ont continué à bénéficier de certaines possibilités de recrutement.