2.2.3 Les contraintes technologiques

A l’heure où les autres pays développent beaucoup leur veille technologique, le Burundi dépend entièrement de l’extérieur en matière de technologie. Le problème essentiel auquel est confronté l’entrepreneur burundais lors de l’acquisition d’une technologie appropriée est le manque d’information. On observe que la technologie burundaise existante est peu diffusée et celle disponible sur le marché international généralement sur-dimensionnée ou inadaptée aux besoins de l’économie burundaise. La première étude de synthèse sur les différents aspects des transferts et de développement de la technologie129 date de 1980. On observe que des efforts considérables ont été faits dans ce domaine car pour les années 1975, 1976 et 1977, les paiements en devises liés à l’acquisition de technologies étrangères équivalaient entre 40 et 50 % de la capacité d’importation. En 1975, les dépenses associées à l’importation de la technologie ont représenté 79,4% de la valeur ajoutée du secteur secondaire. A ces facteurs matériels, il faut ajouter les aspects immatériels de l’importation de technologie à savoir, pour la plus part des entreprises, le recours à des experts et techniciens étrangers. Bien qu’aucune estimation récente n’existe, nous pouvons dire que rien n’indique que la situation ait changé. La dépendance du secteur secondaire de la technologie reste donc forte surtout du fait qu’il y a une quasi-absence de producteurs locaux d’équipements ce qui constitue dès lors une barrière au développement des entreprises burundaises du fait du coût en devises élevé et de tout nouvel équipement et par la difficulté à trouver une technologie appropriée.

A l’époque où la récente nouveauté dans le transfert de la technologie est de “ mettre l’accent sur le transfert de l’intangible, cette partie de la connaissance qui ne se transmet vraiment qu’oralement ou par visite ”130 et où les acheteurs de technologie ne se contentent plus d’équipement livrés clés en main, mais souhaitent plutôt acquérir un savoir-faire développé en amont, certains dirigeants d’entreprise burundais réduisent le transfert de technologie au seul achat de l’équipement de production. Il devrait être un acte d’appropriation de la technologie considérée qui engage même le fournisseur. Cet acte d’appropriation, de maîtrise pourra être d’autant plus facilitée que “  si le contrat de transfert ne se limite pas à l’achat d’équipements, mais comprend aussi l’achat de toute une série d’éléments immatériels qui constituent le savoir-faire tels que les plans, pièces de rechange, méthodes de fabrication, organisation de la production, assistance technique au démarrage, formation du personnel; autant d’éléments qui enrichissent le coût d’acquisition d’une technologie ”131.

On constate une absence de mécanisme, voire de cadre juridique en matière d’importation de technologies; le dirigeant d’entreprise ne dispose d’aucune institution pouvant l’aider dans les négociations de la technologie. Seules la Banque Nationale pour le Développement Economique (BNDE) et la Cellule de Gestion du Projet (CGP)faisaient des efforts dans ce sens mais elles se heurtent à un manque de compétences internes capables d’apprécier la qualité des équipements et à un manque d’informations adéquates sur le marché fournisseur. Celui qui importe une technologie supporte donc seul les risques d’un mauvais choix ou d’une imprudence contractuelle.

On constate que la plupart des entreprises ne procèdent pas à une étude de faisabilité et à une analyse de l’activité d’un point de vue technologique. Cette situation est appelée à perdurer car ni le code des investissements n’est sévère en la matière, ni les banques exigeantes à ce niveau. Enfin de compte, le choix est fait en réalité par le fournisseur des équipements à qui le chef d’entreprise ou l’éventuel promoteur s’est adressé et en qui il fait confiance. Cette attitude est très dangereuse, surtout lorsqu’on recourt aux équipements de seconde main. Les résultats d’une étude menée à ce sujet dans 13 entreprises du Burundi illustre nos propos quant au mode d’acquisition de la technologie:

Dans une autre étude effectuée sur 200 entreprises132 burundaises seules 14 d’entre elles avaient des licences étrangères, 17 un contrat d’assistance technique. Quant à l’innovation technologique locale, elle est quasiment inexistante. Les entreprises fabriquent ou vendent dans la majorité des cas les mêmes produits depuis leur création et n’envisagent pas d’augmenter la gamme d’articles sur le marché. Il faut en outre ajouter que cela peut être expliqué par le climat social qui est peu favorable à la science et à la technologie ainsi qu’à la quasi-inexistence de relation entre l’enseignement et le secteur de la production. Les activités de recherche et développement restent considérées comme des dépenses de luxe plutôt qu’une façon de maintenir un niveau élevé de compétitivité133.

Si le BIT134 estimait en 1987 que les pays en développement déboursaient inutilement 20 milliards de dollars US du fait d’une maintenance défectueuse qui raccourcissait la durée de vie des usines et des machines à laquelle il faut ajouter la non-production due aux pannes et à la sous-utilisation des équipements, ou la perte de potentiel résultant de la mauvaise qualité des produits, il nous paraît important de souligner lorsqu’on étudie l’environnement technologique des entreprises locales, la faible importance accordée à la fonction maintenance dans les entreprises burundaises. Une étude qui date de 1991135 donnait les caractéristiques suivantes de la fonction maintenance:

A ces éléments, il faut ajouter que la fonction de maintenance est mal assurée du fait des difficultés d’approvisionnements à l’étranger qui demandent beaucoup de temps et de moyens. En conséquence, on observe des arrêts fréquents de production, une détérioration accélérée des équipements qui peut même, si on n’y prend pas garde, aboutir à la cessation complète des activités.

Notes
129.

CURDES, Leuven University, “  Structural aspects of manufaturing industry in Burundi ”, op cit

130.

D. Rouach, “  De la création de technologie au management du transfert de l’innovation ” , L’expansion management review, juin, 1997, pp 115 – 119

131.

Tiberghien, “  Etude sur l’information, la sélection et l’importation de technologie dans le secteur industriel du Burundi ” , pp 14 -15, CNUCED, 1992, 39 pages

132.

CURDES, Leuven University, “  Structural aspects of manufaturing industry in Burundi ”, op cit

133.

Tiberghien , Etude sur l’information, la sélection et l’importation de technologie dans le secteur industriel du Burundi ”, op cit, p 45

134.

BIT, “  Améliorer la maintenance dans les pays en développement: l’approche de l’OIT ”, p 1, Service de la Formation à la gestion. Département de la Formation, Genève, 1987, 35 pages.

135.

F. Kakana, A. Michel, “  Situation de la maintenance industrielle au Burundi: séminaire national sur la maintenance, 29 mai au 01 juin 1991, p 10 cité par M.G. Dayer in Développement du secteur privé. Mémorandum économique du 20/04/1993, Bujumbura