La tâche essentielle des membres de la direction est de lutter contre les dysfonctionnements de l’entreprise, ces personnes sont quotidiennement amenées à résoudre des problèmes ce qui leur fait prendre régulièrement des décisions. Comme le note B. Duchénaut213, certains dirigeants de PME interviennent sur tout et ne hiérarchisent pas leurs priorités ce qui les amène à décider en permanence sur les événements majeurs ou mineurs que l’entreprise vit au quotidien tandis que d’autres, dirigeants très minoritaires, se réservent les seules décisions stratégiques.
Pour partager cette mission de décision au niveau de l’équipe de direction, il faut que le dirigeant fasse tout pour faciliter l’accès à l’information de ses collaborateurs. Jean Bonis soutient l'idée qu’une telle pratique se rencontre dans les PME où “ la cooptation individuelle ”214 a pu jouer pleinement. Dans cette conception du management poursuit-il, le dirigeant fait croître et affiche une préoccupation importante sur le partage des décisions. Cela fait que tout membre de la direction prendra en charge l’intérêt d’un champ collectif de responsabilité ce qui lui évitera l’auto-cloisonnement. Vues sous cet angle, les relations horizontales seront plus développées créant ainsi des effets synergétiques entre les activités de l’entreprise. Cette manière de procéder permettra au dirigeant de PME de se libérer des contraintes liées à la résolution des problèmes quotidiens; et par le processus de délégation de prise de décisions, il disposera davantage de temps pour la réflexion. Toutefois, cela nécessitera la mise au point de règles du jeu devant guider la mise en oeuvre d’une telle pratique.
En outre, comme nous l’avons dit précédemment, les décisions prises par un décideur (dirigeant ou son collaborateur) sont influencées par les représentations mentales qu’il a de son environnement, donc, il essaiera de faire en sorte que “ sa réalité devienne la réalité des autres ”215 ce qui peut entraîner des problèmes de mise en oeuvre si la décision n’a pas été partagée. Le travail en équipe permettra alors aux membres de l’équipe de direction de s’interroger explicitement sur "leurs possibles et leurs impossibles ”216 ce qui, par confrontation de leurs idées, réduira leurs impossibles au profit de la détermination de possibles communs. Cet élargissement de la prise de décision aux autres membres de la direction devrait permettre d’éviter l’augmentation du taux de mortalité des PME et les conséquences désastreuses que pourrait avoir une décision guidée par la seule intuition d’autant que M. Marchesnay et B. Duchénaut, essayant de résoudre leur différence de vues sur l’importance de l’intuition dans la prise de décision constatent qu’à peu près 70% des dirigeants de PME accordent à cette démarche une part importante ou même très importante dans la prise de décision.
Si on se réfère particulièrement à l'intuition, on remarque qu'il y a risque de ne pas satisfaire à toutes les exigences de la compétitivité de l'entreprise. Ainsi, comme A. H. Agor nous le fait remarquer, les dirigeants ont le plus recours à l'intuition dans les cas suivants:
‘"blabla’existence d'un haut niveau d'incertitude,
peu de précédents pouvant servir de base à l'action face à de nouvelles tendances qui apparaissent,
données limitées ou inutilisables,
existence de plusieurs alternatives possibles toutes valables et cadrant avec les faits,
manque de temps de prise de décision"217.
Or, si Paterson présente le processus de prise de décision comme une suite de 5 étapes:
‘"blabla’recueillir des informations pour les faire passer au décideur,
traiter cette information pour présenter au décideur des conseils sur la conduite à tenir,
procéder au choix, c'est-à-dire déterminer ce qu'on a l'intention de faire,
autoriser le choix et
réaliser ce qui a été décidé et autorisé"218 la référence à la seule intuition comme mode de prise de décision sera de nature à appauvrir la qualité de ces décisions. En recourant à la seule intuition comme mode habituel de prise de décision, le dirigeant court le risque de ne pouvoir apporter les meilleures solutions aux problèmes de fonctionnement de son entreprise car il ne dispose pas alors des informations pertinentes capables de l' éclairer.
B. Duchénaut, " Les dirigeants de PME. Enquête, chiffres et analyses pour mieux les connaître", op cit p 231
J. Bonnis, “ Le management comme direction d'acteurs. Maîtriser la dynamique humaine de l'entreprise, op cit, p 57
M. Ingham, " Management stratégique et compétitivité", op cit, p 411
idem
W.H Agor cité par J. Lebraty, "L'intuition dans les décisions managériales", p 61, Revue Française de Gestion, n°109, juin- juillet août 1996, pp 57-69
Paterson cité par H. Mintzberg, " Structure et dynamique des organisations", op cit, p 179