3.5.2 La délégation concertée pour plus de synergie

Définie comme étant “ une délégation sauvage, non préparée, où le délégant se débarrasse d’un certain nombre de tâches sans se soucier de modalités pratiques de leur exécution”223, la délégation par expulsion est la forme de délégation la plus rencontrée dans les pratiques de nombreux managers. Plusieurs raisons justifient le recours à une telle pratique. Parmi ces raisons H. Savall et V. Zardet224 distinguent notamment le manque de temps et de confiance dans les compétences du délégataire. Une telle pratique débouche sur un excès d'autonomie qui peut avoir des effets négatifs sur le fonctionnement de l'entreprise du fait d'un manque de préparation pour la prise en charge des nouvelles activités. A celles-là peuvent s’ajouter des considérations d’ordre familial ou personnel de la part du dirigeant. Cependant force est de remarquer qu’une formation - concertation est la seule clé permettant aux collaborateurs d’acquérir la capacité d’assumer pleinement de nouvelles tâches et dans des délais jugés normaux .

La délégation concertée est comprise dans le sens de l’attribution d’une responsabilité à une personne N par la personne de niveau N+1 dans un système de concertation entre le délégant et le délégataire. Le concept de délégation concertée présente plusieurs spécificités par rapport aux concepts développés précédemment:

‘"blabla’
  • il vise à introduire des pratiques et des raisonnements nuancés et progressifs entre les deux situations extrêmes de contrôle et d'autonomie,

  • il a pour objectif d'associer délégation ( transfert de réalisation d'un acte) et travail concerté entre délégant et délégataire, en introduisant le couple [ information – décision]: quelles informations sont nécessaires et à quel stade du processus de décision: avant la prise de décision, après?

  • il autorise un double niveau d'application de la délégation : dans la relation interpersonnelle ( délégation personnalisée) comme dans le cadre de règles, procédures ou système de gestion formalisés ( " délégation fonctionnement"),

  • il vise à mettre en place un continuum dans les processus de délégation, depuis les actionnaires et le sommet de l'entreprise jusqu'au personnel de base de l'entreprise"225.

Ces actes de délégation renforcent la structuration du fonctionnement de l’entreprise car cette concertation permet de préciser le champ d’intervention de chaque responsable tout en l’adaptant aux besoins de pilotage de l’activité de l’entreprise. La délégation, pour être crédible et efficace, exige autonomie et initiative de la part de la personne du délégant dans l’acte de décision concernant les tâches déléguées. L’approche socio-économique a mis au point "une échelle de délégation"226 qui permet de tester progressivement la confiance dans les collaborateurs auxquels on délègue ces tâches.

Cette échelle de délégation permet d'éviter un excès d'autonomie pouvant déboucher sur une perte de contrôle de l'activité de l'entreprise. En se concertant sur le niveau d'autonomie laissé au délagataire, le délégant pourra garder le contrôle de l'ensemble de l'activité tout en participant à la formation de ce dernier.

Grâce à un toilettage fréquent des règles du jeu susceptibles de changer le contenu de cet éventail de délégation, on se permettra à tout moment de tester le niveau de qualité de la confiance dans l'entreprise et développer une plus grande synergie entre les activités des différents collaborateurs du dirigeant.

En définitive, la délégation concertée suppose une concertation entre le délégant et le délégataire et une formation devant permettre un apprentissage du délégataire et le transfert d’une partie des connaissances du délégant. Pour produire ses effets, un cahier des charges de délégation sera nécessaire pour mieux assurer le pilotage des opérations transférées (ou déléguées).

Dans les PME, lorsqu'on parle de délégation, on remarque qu'en général les dirigeants se positionnent en fonction de leur personnalité, de leurs compétences ou des moyens dont ils disposent. La plupart d'entre eux développent une aversion contre la délégation tandis que d'autres adoptent des modes de management favorables à la délégation. En effet, comme le signale B. Duchénaut la spécialisation des PME dans des métiers ou des fonctions, la montée des niveaux de formation, la complexité technique, les fréquents changements de l'environnement pousseront obligatoirement à déléguer davantage.

Pour produire des effets durables, la délégation concertée doit être envisagée comme un processus continu dans le temps. Un des moyens pour arriver à un tel objectif est de faire en sorte que le dirigeant initie des pratiques de travail en équipe avec ses proches collaborateurs. Ces pratiques pourront en outre être employées par l'introduction d'activités renforçant la prise en charge de relations horizontales entre les différentes unités de l'entreprise. Ce n'est qu'à ce prix que l'outil de délégation concertée pourra être un outil de management capable d'assurer la cohérence de l'activité de l'entreprise et d'orienter celle-ci vers l'atteinte des objectifs de l'entreprise.

Notes
223.

H. Savall, V. Zardet et S. Larive, " Amélioration de la gestion du temps: outils conceptuels et méthodes opératoires. Cas de l'équipe de direction d'une banque régionale", p 72 , ISEOR, 1985, 83 pages

224.

idem p 72

225.

M. Bonnet et V. Zardet, " Arbitrage entre autonomie et contrôle. Cas d'expérimentation de la méthode de délégation concertée", op cit p 163

226.

H. Savall, V. Zardet et S.Larive, " Management socio-économique : Commet régénérer confiance et performance", p 13, op cit