Peu de spécialistes francophones de la gestion se sont intéressés de manière spécifique au travail de l’équipe de direction comme pouvant être un élément majeur d’explication de la compétitivité des entreprises. C’est outre Atlantique, s’inspirant des travaux de Cyert et March qui considèrent que la gestion est un travail partagé dans lequel une “ coalition dominante ” se partage de façon collective la tâche d’organiser l’entreprise, que D.C. Hambrick et son équipe commencent à s’intéresser de façon plus explicite à l’équipe de direction en “ considérant que les choix stratégiques et les performances de l’entreprise sont très liés aux caractéristiques du groupe dirigeant"251. Les précédentes recherches s’étaient plutôt intéressées au seul dirigeant comme unité d’analyse(Mintzberg, Weick). Certains même sont arrivés à conclure que les membres de l’équipe de direction avaient très peu d’influence sur l’organisation à cause de la prégnance de l’environnement et de l’inertie au changement.
Dans la recherche des éléments déterminants l’efficacité d’une équipe de direction, beaucoup de chercheurs se sont basés sur les variables démographiques pour typer la physionomie de l’équipe de direction capable de mieux réussir. Ainsi, à partir d’une étude empirique, Hambrick et Masson ont mis en évidence que les performances d’une entreprise étaient le reflet de son équipe de direction . Avec la même démarche, A.I Murray252, prenant pour variables l’âge, l’ancienneté moyenne dans l’entreprise, l’ancienneté dans le groupe dirigeant, la diversité de carrière et de formation, a constaté que l'hétérogénéité de l’équipe de direction avait une influence négative sur la performance de l’entreprise à court terme tandis qu’elle avait une influence positive sur les performances de l’entreprise sur le long terme. D’après lui, l’hétérogénéité de l’équipe de direction influence l’adaptation de l’entreprise et par conséquent les performances de l’entreprise de deux façons:
un processus d’intégration sociale relativement faible caractérise les groupes dont les membres sont issus d’horizons différents et facilitera une recherche plus poussée d’alternatives stratégiques que les autres;
une plus grande diversité des formations et des itinéraires professionnels peut accroître la probabilité d’une nouvelle stratégie appropriée à une nouvelle situation et pourra facilement être définie avec plus de chance de disposer des hommes ayant les capacités nécessaires à sa mise en oeuvre.
D’autres chercheurs comme S. Finkelstein et D.C. Hambrick253 ont croisé l’ancienneté et la nécessité de réagir à une situation donnée et ont constaté que plus une équipe gagnait en l’ancienneté, plus elle avait tendance à s’aligner sur la tendance générale de son secteur tandis que dans le cas contraire, elle avait tendance à adopter de nouvelles stratégies pouvant même déborder le cadre restreint de leur industrie. Les premiers avaient le souci d’aligner les résultats de leurs entreprises sur ceux de l’industrie tandis que les seconds pouvaient même tolérer des résultats inférieurs à ceux de leurs concurrents car ils privilégiaient leur politique de développement. Ils considéraient que l’ancienneté de l’équipe de direction est un construit fondamental et d’une grande importance pour l’entreprise.
De façon plus spécifique, Th. Ceung Cho et D.C. Hambrick d’une part et Ken Smith et al. d'autre part ont croisé les variables démographiques des membres de l’équipe de direction avec les processus d’équipe. Ainsi, D.C Hambrick et Th. Ceug Cho254 ont étudié l'hétérogénéité de l’équipe de direction en la croisant avec les trois domaines majeurs d’actions et de réaction d’une entreprise
sa capacité compétitive ou sa tendance relative à entreprendre des actions et à répondre aux actions de concurrents,
l’intensité concurrentielle ou le degré et l’importance des actions et réactions de l’entreprise;
la vitesse de réactivité, ou la rapidité avec laquelle l’entreprise met en oeuvre ses actions et répond aux menaces des concurrents.
Sous ces trois aspects, une équipe hétérogène est peu efficace dans la mise en oeuvre des actions décidées. Ils ont remarqué une relation négative entre l’hétérogénéité de l’équipe de direction et sa propension à réagir. Ainsi, une équipe de direction homogène paraît mieux indiquée pour répondre aux initiatives des concurrents tandis qu’une équipe de direction hétérogène prend généralement beaucoup de temps lorsqu’il s’agit d’interpréter une situation. Lorsque ces derniers parviennent à réagir, leur réponse est cependant d’une grande valeur.
Quant à Ken. G. Smith et al.255, ils ont étudié les variables démographiques et le processus d’équipe lui-même traduit par l’intégration sociale et la communication. Ils ont trouvé que le processus d’équipe avait un impact direct sur la performance de l’entreprise tandis que les variables démographiques avaient des effets directs et indirects sur l’entreprise. Ils ont montré qu’il existait une relation positive entre l’intégration au niveau de l’équipe de direction et les performances de l’entreprise. Par contre, contrairement à Th. Ceung Cho et D.C. Hambrick, l’ancienneté n’a aucun impact sur la performance de l’entreprise. Le niveau de formation est fortement corrélé tandis que les profils professionnels n’ont aucun effet sur les performances de l’entreprise.
En conclusion de la revue des travaux qui se sont intéressés aux variables déterminant l’efficacité de l’équipe de direction, on peut dire qu’il reste difficile de se prononcer sur ce qui fait qu’une équipe de direction contribue fortement ou non aux performances de l’entreprise. Toutefois, on peut dire que pour rester sans cesse innovante, l’entreprise devrait favoriser l’hétérogénéité de son équipe de direction tout en recherchant le consensus pour une prise de décision rapide et une grande rapidité de mise en oeuvre.
S. Finkelstein et D.C. Hambrick, " Top management team tenure and organizational outcomes. Th moderating role of managerial discretion", p 484, Administrative science quaterly, n° 35, 1990, pp 484 - 503
A.I Murray, " Top management group heterogeneity and firm performance", pp 125 – 141, Strategic management journal, n°10, 1989.
S. Finkelstein et D.C. Hambrick, " Top management team tenure and organisational outcomes. The moderating role of managerial discretion", op cit, p 484
Th. Seung Cho, M.J. Chen et D.C. Hambrick, " The influence of top management team heterogeneity on firm's competitive moves", p 664, Administrative Science Quaterly, n° 41, december, 1996, pp 659 - 682
Ken G. Smith et al. " The top management team demography and process: the role of social integration and communication", Administrative science quaterly, n° 39, pp 412 - 438