La nécessité d’avoir une équipe de direction hétérogène pourrait mieux justifier les conclusions de H. Simon qui démontre que les décideurs sont parfois incapables de prendre de très bonnes décisions parce qu’elles sont rationnellement limitées.
Dans la composition de l’équipe de direction, le dirigeant devrait chercher des aptitudes différentes pour maintenir un climat de “ conflit constructif ” qui ferait évoluer l’entreprise. Cette attitude permettrait d’éviter le “ paradoxe d’Abilène ”256 où un membre d’une famille embarque tous les autres membres sous le soleil de plomb du Texas vers Abilène à plusieurs milliers de kilomètres de là et où, tous épuisés, ils constatent que personne ne voulait véritablement entreprendre le voyage. Cette courte histoire montre bien qu’un dirigeant qui s’entourerait de collaborateurs “ béni oui oui ” ou une équipe de direction qui serait à la solde d’un membre plus influent que les autres risquerait de mener l’entreprise à la dérive. Une telle attitude nous interpelle car “ le moyen le plus efficace d’atteindre le niveau d’intégration voulue dépend du degré d’interdépendance ”257 des membres de l’équipe de direction qui sera à son tour facilité par un état de “ conflit ” permanent. Notons toutefois qu’il faut encourager le “ conflit cognitif ”258 au niveau de la prise de décision et non le “ conflit affectif ”259 et qu’on devrait chercher à ce que l’aboutissement de ce conflit permanent se traduise par un niveau élevé de communication, de coopération, de collaboration et de compromis comme caractéristiques des nouveaux comportements induits par l’existence réelle d’une équipe. Cela permet de profiter des capacités cognitives de tous les membres de l’équipe de direction dans l’élaboration des décisions et la résolution des problèmes complexes et non routiniers. Comme le souligne Mitroff260, le conflit cognitif serait profitable à l’entreprise car les membres de l’équipe de direction orientent leurs réponses en fonction des impératifs de leurs domaines d’activités et des différents environnements qui leur sont propres. Amason parvient à montrer que "le conflit cognitif améliore la qualité des décisions prises ainsi que les relations affectives entre membres de l’équipe de direction tandis que le conflit affectif est du genre à provoquer des effets contraires ”261.
Une mise au point mérite cependant d’être faite car ces bonnes décisions ne serviraient à rien si elles ne peuvent pas passer au stade de la mise en oeuvre d’autant plus que celle-ci exige souvent la participation de toute l’équipe de direction.
K.M. Eisenhardt et al., " Conflict and strategic choice: how top management desagree", p 44, California management review, vol 39, Winter, pp 61-62
D. K. Hurst et al., " Top management teams and organizational renewal", op cit, p 95
Allen C. Amason, " Distinguishing the effects of functional and dysfonctional conflict on strategic making: solving the effects of functional and dysfunctional conflict on strategic making: resolving a paradox for top management teams", p 127, Academy of management journal, 1996, vol 39, n°1, pp 123 - 148
idem
Mittrof in idem, p 127
idem