Cet aspect montre “ la mesure du degré d’acceptation par ceux qui ont le moins de pouvoir dans les institutions d’un pays d’une répartition inégale du pouvoir ”280. Ainsi, les mesures relevées par les chercheurs ont pu donner une idée assez large sur les relations de dépendance dans les pays où ces travaux ont été menés. L’indice retenu est élevé, lorsque les subordonnés préfèrent un patron autocrate ou paternaliste; moins il sera élevé plus ces relations seront caractérisées par une interdépendance. La conclusion de ses travaux est que les pays du tiers monde dont ceux d’Afrique avaient une distance hiérarchique forte.
Ainsi, beaucoup de spécialistes ayant étudié le fonctionnement de l’entreprise africaine notent avec insistance cette réminiscence de l’image du chef d’entreprise dans la vie de cette dernière. Certains des spécialistes dénoncent le caractère radical de la concentration du pouvoir et notent que dans “ les sociétés qui se caractérisent par de grandes distances hiérarchiques et par une propension à assimiler tout pouvoir à une volonté divine, le pouvoir et l’autorité doivent se montrer et non se partager ”281. Nous observons que le dirigeant d’entreprise joue donc “ un rôle équivalent à celui du grand-père tout puissant ”282. Dans les entreprises africaines dont le modèle implicite est la famille, ces observations sont réalistes et les rapports entre dirigeants et subordonnés épousent un modèle de contrôle social de type paternaliste.
En jetant un regard sur la société burundaise, où l’information et le pouvoir de décision convergent vers l’autorité du chef, nous croyons que ces attitudes se retrouvent dans l’entreprise. En se référant à la traduction littérale de certains proverbes, nous pouvons bien montrer l’importance que la société burundaise réserve au chef.
La littérature burundaise qui traduit la manière d’être des burundais, nous livre ces quelques proverbes:
‘“blabla’Nul ne contredit les grands,
Un être normal se soumet sans contester,
l’autorité assure la sécurité,
l’autorité assure la prospérité,
la surveillance effective de l’autorité favorise la prospérité ”.
Face à ces considérations, les dirigeants devraient adopter une attitude de remise en cause personnelle permanente car il y a risque d’embarquer toute l’organisation vers une direction qui ne débouche pas, surtout que les subordonnés ne sont pas habitués à donner des avis contraires à ceux de leur supérieur alors qu'ils pourraient faire avancer l’organisation.
Nous pouvons aussi nous poser d’autres questions à propos du dirigeant de PME; cette importance qui lui est conférée ne l’incite-t-elle pas à vouloir tout faire dans l'esprit de privilégier la pérennité de son entreprise aux dépens de la croissance du fait d'un manque de confiance en les capacités de ces collaborateurs. Cette situation peut être expliquée par deux raisons principales. La première serait le fait que les actionnaires dans les PME gérées par un dirigeant non propriétaire lui adjoignent parfois des collaborateurs avec des niveaux de compétences peu élevés afin de limiter sa latitude managériale. Ce comportement peut également être interprété comme une traduction de la faible intégration de la S.P.R.L dont la forme de constitution n’as pas d’équivalent dans la gestion du patrimoine au niveau de la société traditionnelle. La deuxième raison commune à toutes les PME expliquant un manque de compétences de la part des collaborateurs peut être une conséquence de la responsabilité sociale qu’a le dirigeant d’aider les siens ainsi que le relève F. Ahitungiye quand elle étudie la responsabilité sociale à travers les proverbes kirundi et qu’elle note (traduction littérale): “ ‘Tu es souvent obligé d’aider les tiens malgré le manque de réciprocité à cause de responsabilisation sociale ’ ” 283 . Cet aspect dénote le caractère communautaire de notre société mais pourrait à notre sens être à l’origine de la concentration du pouvoir car échec ou succès de toute organisation sont imputés dans la tradition burundaise à l’efficacité ou inefficacité du chef et non celle de ses subordonnés qui composent l’organisation.
G. Hofstede et D. Bollinger, " Vivre dans un monde multiculturel. Comprendre nos programmations mentales", op cit, p 74
E-M Hernandez, " Le management des entreprises africaines", p 26, Edition L'Harmattan, 1997, 296 pages
G. Hofstede et D. Bollinger, " Vivre dans un monde multiculturel. Comprendre nos programmations mentales", op cit, p 188
F. Ahitungiye, " Une approche du thème de la responsabilité sociale tel qu'attesté par les proverbes Kirundi. D'après une enquête en communes Muramvya et Bukeye", p 77, Université du Burundi, février 1993