4.1.3.1 Le comportement stratégique des P.M.E

Parler de réflexion stratégique dans les P.M.E. revient à s’interroger sur les adaptations pratiques visant à garantir la survie et le développement de l’entreprise face à l’évolution de l’environnement. L’attitude des P.M.E. vis-à-vis de l’évolution de l’environnement est conditionnée par plusieurs variables. Ainsi, en plus de l’évolution de l’environnement, des facteurs comme la structure organisationnelle , le fait de faire partie d’un groupe, le degré de centralisation des décisions, le profil psychologique du dirigeant influencent fortement les choix stratégiques du dirigeant. Du point de vue de l’environnement, on notera que plus l’environnement est turbulent, plus les changements internes sont nombreux. Comme le souligne M. Marchesnay et C. Fourcade336, l’analyse des bases de la compétitivité traduites par la recherche de l’avantage concurrentiel sont particulières à la P.M.E. Ainsi, les P.M.E. considéreront la solidité et la fiabilité de liens tissés en amont et en aval de leur filière comme une garantie de protection concurrentielle. La P.M.E. ne recherche pas en général à être leader de son secteur, mais visera plutôt à préserver et / ou à accroître le nombre de ses clients pour faire face à ses rivales. Pour préserver sa position concurrentielle, la P.M.E. est appelée à consolider ses liens partenariaux actuels et / ou d’en créer de nouveaux et inscrire ses pratiques dans la logique d’un «avantage concurrentiel en mouvement constant »337.

Cependant, il est largement rapporté que les dirigeants de P.M.E. sont peu enclins à développer des modèles de planification stratégique car ils considèrent que le simple recours à l’intuition leur permet de prendre les décisions importantes au bon moment; ils estiment qu’il n’est pas nécessaire de formaliser un plan stratégique pour dire qu’on a un plan. D’autres considèrent que c’est un exercice sans importance car il est tout simplement impossible de prévoir l’avenir. D’autres sont lassés par l’effort et les moyens que demandent la recherche de l’information suffisante sur l’environnement et la concurrence. Enfin, d’autres peuvent être limités par leur manque d’ambition qu’ils ont quand leurs objectifs et ceux de l’entreprise sont satisfaits. C’est ce que nous fait remarquer Oster338 quand il affirme que les dirigeants auront tendance à faire oeuvre d’une même allocation de leurs ressources aussi longtemps que les résultats seront jugés satisfaisants. De tels arguments pourraient être appuyés par J. Brunel et J. Saglio339 qui constatent qu’il est difficilement concevable pour un dirigeant de P.M.E. d’amorcer une réflexion stratégique car il est aux prises avec un volume trop considérable de travail quotidien, il lui est impossible de dégager suffisamment de temps pour la réflexion.

Cependant , nombreux sont les spécialistes de la gestion qui ont cherché à étudier les pratiques de planification stratégique en usage dans les P.M.E. Ils notent que la décision stratégique est une pratique assez courante. Ainsi, I. Braguier constate que « nombreuses sont les P.M.E. qui s’engagent dans une stratégie fondée sur l’innovation »340. Pour Still (74), « la stratégie des P.M.E. est plutôt intuitive et conjoncturelle »341 et Rice et Hamilton ajoutent qu’elle est « non rationnelle et non systématique »342. Quant à O. Chaillot343, il note que la stratégie est souvent limitée à une démarche de réflexion intuitive, voire de décision non formalisée et non communiquée donc rarement utilisée comme outil de management. On voit que la faiblesse ou l’absence de formalisation de la stratégie de la P.M.E. et le recours à l’intuition caractérisent les pratiques de P.M.E. en matière de stratégie. P.A. Julien344 note que la stratégie est le plus souvent gradualiste ou incrémentale, circonstancielle ou peut être marquée par son caractère « étapiste » et de flexibilité.

Pour sa part, Alain Noël345 dresse une typologie susceptible d’être adoptée en fonction de l’évolution escomptée de l’environnement. D’après lui, 4 stratégies de base peuvent être mises en évidence. :

  • la stratégie qualifiée de « prudente » privilégie l’activité sur le marché déjà acquis à l’entreprise;

  • la stratégie « extensive » cherche avant tout de nouveaux débouchés territoriaux;

  • les P.M.E. ayant adopté une stratégie « intensive » visant leur marché traditionnel continuent à augmenter leurs ventes grâce à de nouveaux produits,

  • la stratégie « innovante » enfin, caractérise la démarche des P.M.E. qui veulent trouver de nouveaux clients en leur proposant de nouveaux produits.

De manière plus pragmatique, B. Saporta346 considère que la P.M.E. a besoin d’un cadre minimum dans lequel inscrire ses projets et visualiser ne serait que de manière succincte son avenir. Pour souligner la différence des pratiques existantes au niveau de la planification stratégique entre les P.M.E. et les grandes entreprises, H. Mahé de Boislandelle juge qu’il est plus raisonnable de parler de « programmation »347 lorsqu’on étudie les pratiques de planification stratégique dans les P.M.E.

Notes
336.

M. Marchesnay et C. Fourcade « La gestion de la PME / PMI », op cit

337.

idem, p 93

338.

Oster in W. Bocker, « Strategic change : the influence of managerial characteristics and organizational growth», p 154,  The Academy of Management Journal, vol 40, n°1, february 1997, pp 152-170

339.

J. Brunel et J Saglio in B. Duchénaut, «  Les dirigeants de PME. Enquête, chiffres et analyses pour mieux les connaître », op cit p 272

340.

I. Braguier, « Etude empirique de l’influence du contexte sur le comportement stratégique des PME », CEREGE, 1992, 11 pages

341.

Still in P.A. Julien et M. Marchesnay, «  Des procédures aux processus stratégiques dans les PME, p11, GREPME, 1992, 29 pages

342.

idem

343.

O. Chaillot in B. Duchénaut, «  Les dirigeants de PM. Enquête , chiffres pour mieux les connaître,op cit, p 272

344.

P.A Julien, M. Marchesnay, «  Des procédures aux processus stratégiques dans les P.ME. » op cit, p 12

345.

Alain Noël in B. Duchénaut, «  Les dirigeants de PME. Enquêtes, chiffres pour meiux les connaître », op cit p 277

346.

B. Saporta, «  Stratégies pour la PME », op cit, p 85

347.

H. Mahé de Boislandelle, «  Gestion des ressources humaines dans les PME », p 347, Economica, 2è Edition, 1998, 486 pages