5.2 Diagnostics socio-économiques

Avant d’aborder la méthodologie employée et le contenu des résultats des diagnostics menés dans nos entreprises - terrain, il nous paraît important de préciser les difficultés que nous avons rencontrées pour avoir accès au terrain et dont certaines peuvent constituer aussi un obstacle à une véritable action de changement. Lors des entretiens préliminaires que nous avons eus avec les dirigeants de P.M.E. contactés dans la perspective de nos travaux de recherche, nous avons remarqué certaines attitudes ou pratiques des dirigeants qui sont de nature à freiner les actions visant la remise en cause des pratiques de gestion en vigueur dans ces entreprises.

La première limite que nous avons relevée consiste dans le fait que pour une entreprise qui enregistre des résultats considérés comme relativement satisfaisants, les dirigeants ont tendance à se complaire avec les pratiques existantes et ne croient pas en l’utilité de méthodes nouvelles de gestion qui pourraient leur être proposées.

Une des raisons qui peut être avancée pour expliquer cette situation réside dans le faible niveau de connaissances dans les démarches élémentaires de gestion chez les dirigeants de ces entreprises, ces derniers développent des réactions de défense et considèrent d’emblée que la mise en place puis la mise en oeuvre de nouvelles techniques de gestion seraient impossible du fait de leur degré supposé de complexité.

Au vu de diagnostics commandés par certains de leurs pairs, dans lesquels ne sont dégagés en priorité que les forces et les faiblesses relatives à l’environnement externe auquel l’entreprise fait face, les dirigeants s’arrêtent aux barrières structurelles qui freinent ainsi le développement de leur entreprise et estiment qu’aucune voie n’est ouverte pour son développement. En effet, au Burundi les pratiques existantes dans le monde du conseil privilégient les techniques classiques d’audit; certains dirigeants sont convaincus que c’est la seule démarche qui puisse réaliser un examen approfondi des problèmes de fonctionnement de leurs unités.

En outre, certains dirigeants ont une vision très parcellaire des problèmes de fonctionnement de l’entreprise. Toute leur attention est orientée vers un problème bien précis, occultant alors les autres aspects qui constituent des dysfonctionnements entravant le fonctionnement de l’entreprise.

Les demandes des dirigeants sont en général focalisées sur les problèmes du moment; elles omettent régulièrement de s’obliger à considérer le fonctionnement de l’entreprise comme un tout avec toutes les interrelations caractéristiques qu’il comporte. Il importe donc lorsqu’on essaie de faire comprendre la problématique du fonctionnement des P.M.E. burundaises d’amener les responsables à envisager le fonctionnement de l’entreprise comme un tout. Dans un contexte où les demandes sont très partielles, il est essentiel de recadrer la demande et la resituer par rapport au fonctionnement global de l’entreprise.

Une autre limite observée qui constitue un frein à toute action de changement réside dans le fait que certains dysfonctionnements sont considérés comme partie intégrante du fonctionnement même de l’entreprise et ne peuvent de ce fait être être surmontés.

Pour d’autres dirigeants, la compétitivité de leur entreprise ne peut être que la résultante d’investissements matériels susceptibles d’améliorer la qualité de leurs produits ou services. Devant leur incapacité à réunir les fonds nécessaires pour l’acquisition de ces équipements, ils se résignent à s’installer dans un fonctionnement routinier jugeant qu’aucune amélioration significative n’est possible. Ils n’ont pas connaissance des possibilités permises par l’investissement immatériel pour améliorer l’efficacité de leur exploitation alors qu’en intégrant davantage l’investissement immatériel, les entreprises burundaises pourraient en fin de compte retrouver des leviers pour leur développement. Si c’était le cas, les dirigeants sauraient mieux tirer profit de tous les actifs intangibles comme notamment le potentiel humain. On voit que les dirigeants de P.M.E. burundaises ne se sont pas encore tous inscrits dans une perspective où la capacité d’innover, de développer de nouveaux produits ou services et d’accroître la qualité de manière régulière dépend plus de la qualité et de la pertinence de l’investissement immatériel plutôt que d’un surcroît d’investissement matériel pour lesquels ils ne disposent pas toujours des qualifications nécessaires.

En définitive, on observe que les dirigeants de P.M.E. burundaises n’ont pas le recul suffisant afin de pouvoir rechercher et identifier les voies d’amélioration possibles qui leur sont accessibles. A la limite, on pourrait même avoir l’impression que dans l’esprit des dirigeants de P.M.E. burundaises, ces plages de temps consacrées à la simple régulation à courte vue et quotidienne des dysfonctionnements de leur entreprise constituent la nature même de ce qui doit être leur vrai travail de dirigeant.