5.2.3.4 Aspects caractéristiques de la gestion du temps au niveau des membres de la direction

L’image souvent donnée du dirigeant d’entreprise est celle d’une personne dont la charge de travail est excessive et dont les activités chronophages font qu’il ne peut pas distinguer les activités présentant une grande valeur ajoutée de celles qui en ont une beaucoup plus faible.

Les explications qui peuvent être données pour expliquer la persistance d’une telle situation sont notamment le manque de délégation concertée, l’inexistence de réflexes de gestion du temps de la part des collaborateurs du dirigeant liée à la faible intégration du facteur « temps » dans la gestion de l’entreprise par les burundais.

L’étude des problèmes de gestion du temps peut être faite en prenant en compte l’impact des effets de la faible considération du facteur «temps» sur le fonctionnement général de l’entreprise . Plusieurs niveaux peuvent être distingués:

Un des principaux problèmes concrets qu’on peut souligner consiste dans le non respect des délais de production. On peut évoquer notamment le cas de l’entreprise « D » où l’activité de facturation était en retard de six mois lors de notre diagnostic socio-économique. En conséquence, le personnel faisait des heures supplémentaires afin de récupérer le temps perdu, conséquence d’une programmation incorrecte de leur activité. On voit que le manque de programmation de l’activité aboutit à une pratique d’improvisation, l’urgent et l’important n’étant pas dissociés, tout se décidant au gré du chef, les priorités du service étant celles de ce dernier. On peut se poser la question de savoir quelle est la possibilité d’atteindre un objectif dans de pareils cas où les décisions importantes ou routinières sont prises l’une pour l’autre, au jour le jour.

‘« Tout ce que nous faisons nous est dicté par notre chef de département tous les matins. »
Entreprise « D »’

Des personnes jugent la programmation de certaines activités ne pas être nécessaire malgré l’apport certain au niveau de l’efficacité des entreprises qu’une telle pratique pourrait permettre. Les gens ne s’interrogent pas ici sur la nécessité de cette nouvelle organisation de l’activité de l’entreprise mais pensent plutôt aux contraintes qu’une telle réorganisation du travail pourrait avoir sur leur vie privée.

‘« Le contrôle des véhicules n’est pas programmé et ce n’est même pas nécessaire »
Entreprise « D »
« L’absence de programmation de l’activité de production amène à des changements très répétés des dimensions et de la nature des produits à fabriquer, ce qui entraîne des pertes de temps et de production considérables »
Entreprise « B »
« L’état des machines est à l’origine de l’augmentation des déchets et le non respect des normes de production amène souvent des perturbations dans la chaîne de production »
Entreprise « C »

D’autres éléments comme l’emprise des pratiques routinières sont de nature à voiler la nécessité d’une bonne gestion du temps. Ainsi par exemple, dans l’entreprise D, certaines perturbations sont dues à des erreurs d’exécution des tâches mais les corrections sont faites de façon tardive. Du fait qu’aucune mesure corrective n’est prise, ces erreurs se répètent régulièrement jusqu’à devenir une pratique qualifiée de normale. Tel est le cas de l’activité de facturation dans l’entreprise D où après redressement de la facture provisoire présentée aux agents de la MFP, une activité de correction en vue de l’établissement de la facture définitive a été instituée comme une activité régulière et rien n’est fait pour faire évoluer cette pratique.

L’emprise de la routine à laquelle on ajoute les problèmes du manque de programmation font que la gestion du temps lorsqu’elle est rapportée au volume de travail montre que l’absence de méthodes de suivi de l’organisation du travail amène à une surcharge qu’il paraît impossible aux yeux de certains acteurs de surmonter. C’est le cas de l’entreprise « D » où il est très difficile pour les membres de la direction d’estimer la charge de travail de leur personnel, ce dernier considère que même une augmentation des effectifs ne suffirait pas à réduire les plaintes relatives à la surcharge de travail.

‘«  J’ai l’appréhension que même si on faisait des recrutements supplémentaires , on serait toujours débordé »
Entreprise « D »’

Ici, le dirigeant fait allusion à la faible prise en compte du facteur temps de la part des membres du personnel dont le faible respect des délais constatés dans les services n’est pas consécutif à un volume d’activité mais à cette faible intégration du facteur « temps » dans l’exécution du travail.

L’autre élément qui fait que la gestion du temps n’est pas parfaite consiste en ce que certains responsables d’unités ne hiérarchisent pas l’urgence des activités et en conséquence ne parviennent pas à se dégager des contraintes immédiates pour mettre en place une organisation efficace de l’activité de production. Certaines activités garantes de la qualité des produits fabriqués ou des services mis sur le marché ne sont pas exécutées avec rigueur et cela est à l’origine de la mauvaise qualité constatée dans les usines et / ou de la faible productivité de celles-ci.

D’autres éléments montrent que les collaborateurs du dirigeant subissent l’influence de l’environnement social en matière de gestion du temps. On remarque qu’ils ne sont pas naturellement alertés sur les faits de nature à diminuer la productivité des entreprises burundaises. On constate par exemple que beaucoup de temps de travail est perdu lors de la prise de poste que ce soit le matin ou lorsque les équipes changent de rôle, ou encore à la fin des pauses programmées. Les membres de la direction ne s’aperçoivent pas que de telles habitudes constituent des pertes de potentiel qu’il importe de reconsidérer pour les faire évoluer en faisant prendre conscience aux différents acteurs du lien qui existe entre le temps de présence à l’usine et la productivité de l’entreprise. On voit, en fin de compte, que l’ensemble des acteurs de l’entreprise n’estiment pas à leur juste titre l’importance du facteur temps dans l’accroissement de la productivité

‘« Quand je marche à vive allure pour répondre à l’appel d’un opérateur qui a une machine en panne certains de mes collègues s’en étonnent et me lancent des fois des critiques. »
Entreprise A’

Les problèmes de gestion du temps persistent également parce que les différents membres de l’équipe de direction ne pensent pas suffisamment aux effets d’une mauvaise gestion du temps sur l’efficacité des autres unités. On voit donc qu’il leur est difficile d’établir les interrelations existant entre les différents services et en conséquence le fonctionnement de certains services est perturbé. Cela est particulièrement observé au niveau des services de soutien dont l’activité est transversale aux services opérationnels. On remarque qu’il est très difficile d’avoir une vue synchronisée des besoins des différents services ce qui réduit grandement l’efficacité de ces services de soutien. On pourrait citer le cas du service chargé de la gestion des moyens de transport que nous avons évoqué précédemment qui n’arrive pas à gérer son activité du fait de l’impossibilité des différents services à programmer leurs activités.