5.2.3.5 Manque de compétences managériales comme frein à un processus de délégation concertée.

L’étude du niveau de compétences managériales des proches collaborateurs du dirigeant pourrait être appréhendée à travers les principales fonctions d’un responsable d’une quelconque unité. En distinguant les différentes activités de gestion / sécurité et celles de gestion / développement, nous avons pu mieux nous rendre compte du niveau de compétences managériales des membres de la direction. Nous avons constaté après voir fait un diagnostic du niveau de compétences des collaborateurs des dirigeants de P.M.E. qu’il y avait une absence généralisée de compétences managériales comme le montre la grille de compétence de l’équipe de direction de l’entreprise « C » (tableau n°8) en matière de stratégie et de politique de développement de l’entreprise, et qu’en conséquence les collaborateurs du dirigeant ne parvenaient pas à se fixer des objectifs prioritaires et à les piloter, que la fonction d’animation de leurs différentes unités n’était pas parfaitement assumée, la gestion des ressources humaines dont ils disposent souffrant de diverses carences.

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Tableau n°8 Grille de compétences des membres de la direction de l’entreprise « C » en début de période

L’utilisation de cet outil nous a permis de voir que très peu de collaborateurs des dirigeants de P.M.E. avaient une vision suffisante sur le contenu de l’activité des unités voisines ce qui fait que leur niveau de polyvalence est très faible. Nous pouvons dire que le fait de ne pas avoir une vision suffisante du contenu de l’activité des unités voisines constitue aussi l’une des explications du cloisonnement constaté dans les P.M.E. burundaises. Lorsqu’on ne connaît pas le contenu du travail d’une unité voisine, comment pourrait-on connaître la demande de tel ou tel service et pouvoir y répondre. A titre d’exemple, nous avons remarqué qu’il existait une très faible coordination des activités « Production » et « Commercial » dans toutes les P.M.E. - terrain de notre recherche alors qu’une concertation continue devrait permettre une amélioration sensible de la qualité des produits. Questions de logiques ou de priorités, ces deux services semblent cheminer côte à côte alors qu’un travail en commun leur permettrait d’être simultanément performants.

Du seul point de vue de la précision des besoins en ressources humaines, on peut évoquer la faiblesse constatée dans la prise en compte de la nécessité des actions de formation et de leur organisation, les retombées de l’absence de compétences dans les P.M.E. sur le travail des responsables d’unités. Ces carences pourraient être analysées à travers les glissements de fonctions des collaborateurs ainsi que par, l’absence d’anticipation des besoins de compétences nécessités par l’acquisition de divers équipements.

Concernant la prise en charge des activités de formation, on remarque que les collaborateurs du dirigeant se soucient peu de l’organisation de la formation du personnel. Ils semblent se satisfaire du niveau de compétences actuel de leurs personnels et cherchent rarement à combler les déficits éventuels par des actions de formation. La formation est laissée à l’initiative des anciens qui l’organisent par un système de compagnonnage et il est très difficile de considérer qu’ils assument réellement un rôle de formateur. Ce mode de formation nous paraît incomplet comme le dit J. Verron427 qui souligne que la formation sur le tas n’organise pas l’acquisition de connaissances et de savoir- faire dans la mesure où il est laissé par chacun un peu au hasard, où il ne cherche pas la compréhension des phénomènes mais vise l’acquisition automatique de réflexes élémentaires. Ce mode de formation devrait évoluer car il est très difficile d’identifier le contenu de cette formation, de toiletter le degré d’appropriation, de contrôler l’évolution dans le temps de l’acquisition des compétences recherchées.

Un autre élément qui montre l’absence de concertation sur les besoins de formation au niveau de la direction est l’externalisation de certains services alors que du fait des savoir - faire existants dans les entreprises, il serait possible de confier ces tâches aux membres du personnel. Une telle situation pourrait être interprétée comme étant le résultat d’un manque de confiance de la part des membres de la direction dans les capacités du personnel à pouvoir s’affirmer et s’améliorer ou comme étant la faible importance accordée à l’investissement immatériel. L’importance des frais de formation étant évaluée sous son seul aspect financier, on risque de développer une attitude du « former et fermer »428; cette attitude a caractérisé les propos de dirigeants d’entreprise dans certains pays développés où les mesures prises avaient institué un prélèvement obligatoire dans le but de constituer les différents fonds destinés à appuyer et étendre les efforts de formation dans ces entreprises.

L’autre aspect caractéristique du manque de prise en charge des activités de formation par les collaborateurs du dirigeant de P.M.E. consiste en cette déconnexion de l’organisation des activités de formation et de la programmation des différents investissements. On a vu que la prise des décisions d’acquisition d’équipements est souvent du ressort du seul dirigeant et ne tient pas suffisamment compte des implications en terme de compétences liées à une telle décision. En conséquence, pour certains équipements, on ne dispose pas de suffisamment de compétences pour assurer leur fonctionnement optimal.

Si on examine les pratiques en vigueur dans les P.M.E. burundaises, on se rend compte que les dirigeants n’incitent pas leurs proches collaborateurs à garder un regard fixé sur la nécessité d’améliorer de façon continue la qualité de leurs ressources humaines. Cela peut être dû au fait que le développement des entreprises est fait de manière linéaire et qu’il est rare qu’une politique de recrutement soit mise en place pour faire face aux besoins de compétences inhérentes à une nouvelle organisation.

Notes
427.

Jocelyn VERRON, «  Des difficultés d’être cadres et formateur », p 34, Enseignement et gestion, Nouvelle Série 36 Hiver 1985, pp 31- 35

428.

D. Bouteiller, «  Le syndrome du crocodile et le défi de l’apprentissage continu », p 100, Gestion 2000, Numéro Spécial Formation, Février -Juin 1999, pp 99 - 124