6.4.2 Evaluation des actions d’amélioration dans nos entreprises -terrain

6.4.2.1 Effets des actions d’amélioration sur le fonctionnement global des P.M.E. - terrain de recherche

Afin de mesurer les effets des actions mises en oeuvre dans le cadre des projets d’amélioration initiés dans les PME-terrain de recherche, nous avons fait des entretiens qualitatifs avec d’une part les différents membres des groupes de projet ainsi qu’avec certains des acteurs ayant été directement concernés par ces actions.

L’ensemble des acteurs apprécie positivement les actions engagées avec cependant certaines réserves montrant les limites existantes quant à la réussite ultérieure de telles actions.

Les membres de la direction jugent que la formation sur les outils et leur mise en oeuvre, leur a permis de mieux prendre en charge la responsabilité de leurs unités respectives en mettant surtout en oeuvre des actions de pilotage. Même si ces actions n’ont pas été aussi régulières qu’ils l’avaient souhaité lors de la mise en place du projet, ils considèrent que les réunions de pilotage ont contribué à faire évoluer leur comportement vis-à-vis de la place qu’ils accordent au facteur temps dans la gestion de l’entreprise.

‘«  Au départ, j’avais l’impression que j ’étais au courant de tout ce qui se passait dans mon entreprise alors que c’est parfois impossible. Actuellement, avec les actions que nous avons menées, ça m’a permis de me fixer sur les points les plus importants intéressant le fonctionnement de mon entreprise. » Entreprise « B »
« L’utilisation des outils comme le Plan d’Actions Prioritaires et Tableau De Bord de Pilotage nous a permis d’arriver à projeter notre travail dans le temps. Je dois dire que c’est très difficile mais cela m’a appris de prendre petit à petit un peu de recul par rapport à certains rongeurs de temps. Actuellement, je commence de plus en plus à prendre l’habitude de programmer mes rendez-vous personnels en dehors des heures de travail. ». Entreprise « B »

Quant à la délégation concertée, nous avons remarqué dans l’entreprise « B » qu’elle commence à devenir une réalité . Dans les entreprises « C » et « D », les dirigeants affichent une réticence voilée à l’égard du processus de délégation concertée. Cependant, du fait que ces dirigeants ont perçu la nécessité de mettre en place des projets d’amélioration et de participer à leur mise en oeuvre, leurs collaborateurs croient qu’une telle étape pourra constituer un tremplin pour asseoir ultérieurement la délégation concertée dans l’entreprise.

‘« J’ai eu l’impression dans certaines circonstances que le chef nous passe « le couteau tout en tenant le manche ». Lors des réunions de pilotage, il tient absolument que ce soit son avis qui passe. Toutefois, je considère cela comme une avancée remarquable car jamais nous ne prenions de temps pour parler de l’activité de notre entreprise. Il s’arrêtait sur des remarques ponctuelles sans qu’on ait le temps d’échanger ». Entreprise « C » ’

En outre, l’utilisation des outils de management socio-économique redonne à la maîtrise son rôle d’animateur et de formateur dont les membres de la direction de P.M.E. n’estimaient pas l’importance. Dans les entreprises « B » et « E », les agents de maîtrise ont élaboré des manuels de formation intégrée, et relevé le niveau de compétences des opérateurs en charge de la production. Par la prise en main de la fonction d’animation de leur équipe, les agents de maîtrise ont, chaque fois que le besoin se faisait sentir, pu communiquer pour faciliter le travail du personnel de base. En outre, que ce soit au niveau de la direction ou au niveau des catégories inférieures, les différents acteurs ont commencé à s’approprier la nécessité de concevoir l’activité de l’entreprise dans l’optique de relations clients- fournisseurs internes pour mieux atteindre l’efficacité.

‘«  Le projet que nous avons mis en place m’a permis de me rendre compte de la nécessité de certaines choses dont je n’estimais pas l’importance. J’ai notamment pu voir que le travail du contremaître ne se résumait pas à la supervision mais qu’il lui fallait du temps pour penser à l’organisation de son équipe ». Entreprise « C »
«  Je pense que la nouvelle manière d’organiser le travail dans notre service a permis de lever les soupçons qui risquaient de peser sur certains d’entre nous. Actuellement, nous dialoguons ouvertement avec nos chefs sur l’évolution de nos rendements journaliers et tout problème qui surgit est directement traité. Avant, je pouvais passer plusieurs jours sans travailler et la seule réponse que j’obtenais lorsque je demandais pourquoi le matériel n’était pas envoyé à la réparation, mon chef me disait tout simplement qu’il n’avait pas encore eu de temps» Entreprise « D »
« Avant, il nous avait été impossible de nous coordonner entre l’usine et l’atelier. Maintenant que nous avons des documents qui nous permettent de suivre la collaboration entre nous, j’ai vu que les gens commencent à être plus responsables» Entreprise « C ».’

La mise en place des plans d’actions prioritaires et l’utilisation des tableaux de bord de pilotage par les membres de la direction ont en outre amené les acteurs à comprendre que l’entreprise gagnerait en compétitivité en accordant davantage d’importance à la relation client - fournisseur entre eux. Les effets de la délégation concertée se ferait mieux voir ; il ne sera point besoin d’arbitrer les différentes nécessités de collaboration entre les acteurs car ces dernières seront codéfinies par le fournisseur et le client interne. C’est dans cet esprit que A. Seignour et P.L. Dubois considèrent que le contrôle exercé par la hiérarchie pourra être « ‘remplacé par un contrôle des prestations, réalisé par le client interne sur des bases rationnelles et tangibles’ »459. Une telle vision concorde bien avec la théorie positive de l’agence développée au chapitre 1 ; en effet, cette nouvelle vision de l’organisation de l’entreprise entraîne une diminution des coûts d’agence car les coûts de coordination notamment ceux liés aux glissements de fonction pourront être fortement réduits. Du fait que les collaborateurs des dirigeants auront pu identifier les relations existantes entre eux, le dirigeant interviendra moins pour coordonner leurs activités et gagnera en terme de temps disponible pour mieux s’occuper du pilotage de l’activité de l’entreprise. De même qu’au niveau de l’ensemble, par les actions de formation faites dans l’entreprise « B » notamment, les responsables hiérarchiques auront, à la longue, moins besoin d’intervenir pour réguler les dysfonctionnements antérieurs dus au faible niveau de compétences. Cela pourrait entraîner une confiance accrue entre acteurs du fait des capacités ainsi acquises pour une meilleure prise en charge de leurs tâches respectives. La tendance à confisquer le pouvoir de décision de la part du dirigeant, souvent motivée par le souci de bien faire, pourrait ainsi diminuer.

Notes
459.

A. Seignour et P.L. Dubois, « Les enjeux du marketing interne », p 26, Revue Française de Gestion n° 123, mars-avril -mai 1999, pp 19 - 29