6.5.1.2 Pour une approche de conseil intégrant la demande de l’entreprise.

Malgré cette faible lisibilité de l’apport du conseil à l’amélioration de la gestion des P.M.E., on reconnaît dans l’ensemble les avantages certains que peut apporter une prestation de conseil à l’amélioration du fonctionnement de l’entreprise. Pour M. Kubr, le conseil peut apporter les avantages suivants:

‘«blabla’
  • un point de vue professionnel indépendant,

  • un contrôle et une évaluation complets d’un expert,

  • des idées pour amorcer la croissance,

  • une formation du manager et de ses collaborateurs qui autrement n’aurait pas eu lieu,

  • une aide au dirigeant pour adopter une approche stratégique »464.

Afin de faire en sorte que le conseil soit profitable à l’entreprise, la relation entre le dirigeant et le consultant doit être remodelée. Loin de se substituer à un manager défaillant, le consultant doit inscrire sa démarche dans le sens d’une contribution au perfectionnement du dirigeant afin qu’il puisse lui même prendre en charge le développement de son entreprise. C’est dans cette optique que J. Romano465 considère que le conseil est indissociable de la formation. Cependant, pour que toute prestation puisse apporter davantage à l’entreprise, le consultant doit fournir une assistance personnalisée dans le but d’accompagner le dirigeant dans la démultiplication de la démarche auprès de ses collaborateurs afin de pouvoir impliquer le maximum d’acteurs de son entreprise. Le consultant devra agir comme un coach et de ce fait il importe qu’il tienne compte des aspects psychologiques pouvant caractériser sa relation avec le dirigeant. A son tour, ce dernier devrait agir comme « coach » de ses collaborateurs afin qu’ils puissent s’approprier la nouvelle démarche proposée. Nous partageons à ce niveau, l’avis de Richard Phillips466 lequel affirme que la pratique du coaching permet l’accroissement des performances de l’entreprise en même temps qu’il élimine les barrières hiérarchiques et fonctionnelles existant au sein de celle-ci. Cela s’impose car dans toute action de changement véritable ce sont eux, dirigeants et managers, qui auront la charge de mener des actions de sensibilisation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

L’approche que proposerait ces consultants devrait être le plus possible proche du terrain et orientée vers la résolution de problèmes que les dirigeants rencontrent quotidiennement. Il faudra qu’ils puissent aider le dirigeant d’entreprise à mieux formuler les problèmes essentiels de son entreprise et qu’ils essaient de leur fournir notamment des outils pouvant servir de supports méthodologiques pour les aider dans la mise en oeuvre des actions leur permettant d’atteindre des objectifs d’amélioration. Une telle démarche est la seule à permettre une formation à la fonction de dirigeant et à favoriser l’appropriation des exigences nécessitées par le changement.

Au Burundi, comme dans les autres pays africains subsahariens, les relations qu’entretiennent les dirigeants de P.M.E. avec le marché du conseil suivent deux principales tendances. Une partie des dirigeants de P.M.E. n’a jamais recours au conseil tandis qu’une autre se laisse influencer dans sa demande par l’offre de produits de conseil classiques, tel que l’audit, souvent commandés par certaines grandes entreprises alors qu’ils n’apportent pas suffisamment de valeur ajoutée au fonctionnement de l’entreprise. Nous pensons que le management pourrait pallier les conséquences de ces deux attitudes dans la mesure où par le diagnostic socio-économique qu’il propose, il favorise une meilleure compréhension du fonctionnement de l’entreprise en même temps qu’il propose aux dirigeants des outils de management lui permettant d’agir sur les dysfonctionnements relevés. Cependant, pour que les dirigeants puissent profiter pleinement des apports du management socio-économique, il leur faut un cadre pouvant assurer le transfert de cette ingénierie du management. Il serait souhaitable, par exemple, qu’une «Cellule de Socio-Economie » (CSE) soit créée notamment par l’Association des Employeurs du Burundi (AEB), sans être pour autant uniquement dépendante de cette dernière institution. Cette cellule aurait pour mission de mener des actions permettant d’éclairer les dirigeants de P.M.E. sur les opportunités d’amélioration du fonctionnement de leurs entreprises offertes par le management socio-économique. Nous pensons que l’AEB pourrait faciliter la collaboration entre la cellule et les employeurs compte tenu de sa relative indépendance des pouvoirs politiques ainsi que de ses relations suivies avec les employeurs. En outre, à voir combien les employeurs répondent massivement aux quelques formations organisées par le Secrétariat Général, nous pensons que cette dernière faciliterait l’adhésion d’un certain nombre de dirigeants au projet. Les actions de cette cellule devrait être orientées vers les dirigeants, mais aussi vers les consultants et le milieu académique.

Vis-à-vis des dirigeants, des actions de formation devraient être menées dans la perspective, d’une part, de leur apporter une méthodologie de conduite du changement, et d’autre part, de les aider à préciser leur demande s’ils ont recours à une mission de conseil pour la mise en place nouvelles méthodes de management. Nous avons pu vérifier qu’une meilleure compréhension du fonctionnement de l’entreprise permise par la formation au management socio-économique, aide les dirigeants à préciser leur demande de nouvelles interventions. Dans un premier temps, la Cellule interviendrait dans les entreprises à partir d’une demande introduite par un dirigeant et les intervenants aideraient ce dernier à la situer par rapport au fonctionnement global de l’entreprise. Le fait de conduire une intervention socio-économique, d’en évaluer les résultats est un moyen sûr pour faire qu’un dirigeant de P.M.E. se persuade de l’importance de l’investissement immatériel et ainsi de mettre en avant le potentiel humain comme facteur pouvant contribuer durablement à l’amélioration des performances économiques et sociales de l’entreprise. Une telle approche répondrait à un triple objectif. Le dirigeant demandeur de l’intervention serait rassuré de trouver un professionnel capable de l’aider dans la clarification de certaines problématiques inhérentes au fonctionnement de son entreprise. De plus, une brève formation au management socio-économique permettrait d’ouvrir une concertation entre le dirigeant et l’intervenant sur l’orientation à donner à l’intervention socio-économique assortie en outre d’une évaluation prévisionnelle plus ou moins précise des résultats escomptés. Enfin, dans le cadre d’une telle démarche, on éviterait que le dirigeant ne se sente dépossédé de son autorité car il aurait lui-même été auteur et copilote des actions de changement entreprises.

Pour qu’une telle action puisse porter des fruits à une échelle plus large, il conviendrait que des actions de formation de consultants externes et internes soient initiées. Cela permettrait aux consultants et managers qui le souhaitent de s’approprier une démarche structurée susceptible d’apporter davantage de valeur ajoutée à leurs prestations habituelles.

Pour pérenniser son action, la cellule devrait avoir d’étroites relations avec les institutions d’enseignement supérieur. Ces relations seraient d’autant plus nécessaire qu’on observe, depuis un certain temps, la création de nouvelles universités: université de NGOZI, université du Lac Tanganyika, Université des Grands Lacs qui viennent s’ajouter à l’université du Burundi ainsi que de quatre instituts d’enseignement supérieur comportant une branche d’enseignement de la gestion. Si certains diplômés de ces institutions, déjà sensibilisés à des démarches novatrices de management, venaient à être employés par des entreprises dont les dirigeants sont déjà avertis des apports potentiels du management socio-économique, l’efficacité de la cellule de conseil serait considérablement renforcée. Le développement de cette synergie pourrait se faire par un rapprochement des entreprises avec le milieu académique permis notamment par les travaux de fin d’études que les étudiants pourraient effectuer au cours des dernières années de leur formation supérieure. La cellule interviendrait à la fois pour l’encadrement de ces étudiants du point de vue académique, mais aussi sur le terrain de manière à ce qu’ils répondent à un besoin réel d’amélioration du fonctionnement des entreprises.

Il serait également intéressant que la CSE anime une table ronde annuelle réunissant les institutions d’enseignement supérieur de la gestion, les chefs d’entreprises, les consultants ainsi que des représentants du gouvernement ayant une part active dans la promotion du secteur privé. Ce dispositif donnerait l’occasion d’évaluer les actions mises en oeuvre dans le cadre de ce projet, d’enrichir la démarche par les observations des uns et des autres en même temps qu’il constitue un canal d’information pour les dirigeants n’ayant pas encore eu l’occasion de bénéficier des apports de la cellule. Dans la mesure du possible, ce genre de table ronde devrait être organisée au niveau régional ou sous-régional pour que des institutions étrangères ayant une mission similaire puissent développer à leur tour des modes de collaboration et d’échange d’expériences afin d’appuyer le maximum d’entreprises possible.

Cependant, pour un projet d’une telle envergure, il importe que des financements soient trouvés. Du fait que les pays subsahariens, dont le Burundi, disposent de moyens financiers modestes, il serait nécessaire que des organisations internationales viennent appuyer financièrement un tel projet. Si on se réfère au contenu de la politique industrielle suivie par la Banque mondiale467 , on se rend compte que cette institution s’intéresse particulièrement aux activités «amont-aval» du développement du secteur privé. Or, on remarque que très peu d’actions sont faites pour favoriser l’efficacité et l’efficience du fonctionnement interne des entreprises. Une politique qui s’attacherait uniquement à encourager les investissements, à mettre en place des dispositifs de mise sur le marché tant intérieur qu’extérieur des produits des entreprises sans améliorer leur fonctionnement interne aurait très peu de chances de porter des fruits. Il importe donc que des institutions comme la Banque Mondiale, le PNUD, le BIT, l’Union Européenne ... puissent apporter un appui substantiel à de tels projets.

Quant au gouvernement, du fait de la mission qui lui revient qui est de « canaliser l’énergie de la population pour la mettre au service de la croissance et du développement »468 , il devrait lui aussi contribuer à la mise en oeuvre de cette cellule. Concernant les dirigeants d’entreprises destinataires des services de la CSE, il est important qu’ils participent, en partie, à de telles missions d’interventions. Une telle implication devrait davantage être comprise comme un moyen de témoigner de leur engagement dans les actions pour lesquelles ils sollicitent une aide qu’un simple paiement du prix des prestations. Par ailleurs, une participation financière, même symbolique, serait demandée aux dirigeants, aux fins de constitution d’un fonds permanent de perfectionnement à la gestion socio-économique.

Enfin, les animateurs de cette Cellule bénéficierait d’un statut particulier, élaboré, en concertation avec tous les partenaires concernés (Etat, CCIB, Organisation d’Employeurs, Consultants, Université, ONU, BM, U.E, etc., ...)

Notes
464.

M.Kubr, « Management consulting. A guide to the profession », op cit, pp 380 - 381

465.

J. Romano in D. Belet, « Prestations de conseil auprès des PME/PMI et processus d’apprentissage de leurs dirigeants: pour une autre conception du métier de conseil en management. », p 122, op cit

466.

R. Phillips, «  Coaching for high performance. Coaching can cut accros hierarchies and functional bundaries. », Executive development, vol 8, n°7, 1995, pp 5-7

467.

Banque Mondiale, «  Rapport sur le développement dans le monde », 1996, 282 pages

468.

N. Mandela cité PNUD, » Rapport sur le développement humain », p 98, 1996, 251 pages.