2. Concept du E2

Sur le plan anatomique, le E2 est l’excentricité à laquelle la représentation périphérique d’une surface est réduite de moitié par rapport à la représentation fovéale de cette même surface. Sur un plan comportemental, il s’agit de l’excentricité à laquelle les performances des observateurs baissent de moitié comparées aux performances réalisées dans la partie centrale du champ visuel.

D’après Levi et al. (1985), la valeur du E 2 peut être estimée à partir de l’intersection de la droite des rapports des seuils sur l’axe des X (excentricités) (cf. figure 17).

Y= aX + b, où X est l’excentricité, Y le seuil d’une variable et a et b sont des constantes.

En fovéa x = 0 donc Y = b

Le E2 est donc l’excentricité où ax+b = 2b (par définition)

Ce qui donne x= b/a = E2.

Mais lorsque Y = 0, X = -b/a

Donc le E2 correspond à l’abscisse en valeur absolue de l’intersection de la droite des seuils de performances avec l’axe des excentricités.

Tableau 4. Valeurs du E2 pour différentes structures du système visuel et différentes tâches psychophysiques. Ce tableau est complété en fonction des besoins de l’étude à partir du tableau de Wilson et al. (1990).
Structure et fonction Etudes
E2 entre 1.5° et 4°
Densité des cônes (Curcio, Sloan, Packer, Hendrickson & Kalina, 1987; Øesterberg, 1935)
Cellules ganglionnaires P-bêta (Perry & Cowey, 1985; Schein & de Monasterio, 1987)
Taille du champ récepteur (Dow, Snyder, Vautin & Bauer, 1981)
Résolution (Coletta & Williams, 1987; Levi et al., 1985; Wertheim, 1894; Westheimer, 1979)
Sensibilité au contraste (Koenderink et al., 1978; Rovamo, Virsu & Näsänen, 1978; Swanson & Wilson, 1985; Watson, 1987)
Détection de changements géométriques dans des formes complexes (e.g. visages) (Rovamo, Mäkelä, Näsänen & Whitaker, 1997)
E2 entre 0.3° et 0.9°
Inverse de l’agrandissement cortical M-1 (Dow, Snyder, Vautin & Bauer, 1981; Tootell, Silverman, Switkes & De Valois, 1982; Van Essen, Newsome & Maunsell, 1984)
Identification de chiffres (Farrel & Desmarais, 1990)
Acuité vernier de 2 points (Westheimer, 1982)
Acuité vernier de lignes contiguës (Levi et al., 1985)
- Zone d’interférence dans l’acuité vernier (étendue du groupement)
- Zone d’interférence dans l’identification de l’orientation de la lettre “ T ”
(Levi et al., 1985)
(Toet & Levi, 1992)
Bissection entre 3 points (Klein & Levi, 1987; Yap, Levi & Klein, 1987)
Discrimination des phases (Klein & Tyler, 1981)
Détection de symétrie dans des stimuli de pixels randomisés. (Barrett, Whitaker, McGraw & Herbert, 2000)
(Gurnsey, Herbert & Kenemy, 1998)

Plusieurs études anatomiques et psychophysiques ont montré qu’il y a deux E2 critiques. Le premier se situe autour d’une moyenne de 2.8° et le deuxième de 0.6° environ. Ces deux E2 semblent concerner différents niveaux du système visuel et différentes tâches visuelles. Levi et al. (1985) proposent le concept du E2pour classer les tâches visuelles en deux types. Un premier type de tâches qui se dégrade rapidement en périphérie et qui ont un E2 très bas. Un deuxième type de tâches qui baisse plus lentement et qui a un E2 plus grand. Le tableau 4 résume les valeurs de E2 des études physiologiques, anatomiques et psychophysiques.

Il ressort du tableau 4 que certaines tâches telles que la résolution spatiale, la sensibilité au contraste et la détection de changement géométrique baissent en périphérie par un facteur comparable à celui de la baisse de la densité des cônes, des cellules ganglionnaires et de la taille des champs récepteurs. Cependant, les tâches telles que l’acuité vernier, les zones d’interférence ou groupement et la discrimination des phases baissent par un facteur similaire à celui de la baisse de la surface corticale vouée au traitement des zones périphériques du champ visuel. A noter que les valeurs de E2 peuvent différer par un facteur de 100 d’une tâche à une autre (Whitaker, Mäkelä, Rovamo & Latham, 1992).