3. Théorie de l’agrandissement cortical de Rovamo et Virsu

Les performances visuelles déclinent lorsque la taille du stimulus est maintenue fixe à travers les excentricités (Hilz & Cavonius, 1974; Koenderink et al., 1978; Robson & Graham, 1981; Rovamo, Virsu & Näsänen, 1978).

Afin de remédier à cette baisse de performances visuelles en périphérie et en se basant sur l’idée de l’agrandissement cortical (A C ) de Daniel et Whitteridge (1961), Rovamo et Virsu (1979) ont proposé que si la taille du stimulus est ajustée de telle sorte qu’elle stimule la même surface corticale de V1 à travers le champ visuel, alors les performances visuelles devraient être les mêmes à toutes les excentricités rétiniennes. Ainsi, ils ont proposé un facteur d’agrandissement (f) permettant d’égaliser les fonctions visuelles à travers le champ visuel. Ce facteur de mise à l’échelle se calcule de la manière suivante :

Lorsque E = E 2 , f = 2, ainsi, E 2 = l’excentricité où A C est réduit par un facteur de deux.

où A F est l’agrandissement cortical de la partie fovéale, E est l’excentricité à laquelle le stimulus est présenté et E 2 est l’excentricité à laquelle les performances baissent de moitié par rapport à la fovéa.

En prenant en compte les asymétries du champ visuel et les données de Daniel et Whitteridge (1961) concernant la représentation corticale du champ visuel, Rovamo et Virsu (1979) ont proposé une formule ayant des valeurs constantes qui diffèrent pour chacune des 4 parties du champ visuel. Ces formules calculent les tailles de stimuli permettant d’égaliser les performances à différentes excentricités:

Nasal : AN= AF*((1+0.33*E)+(0.00007*E3)) ;(3)

Supérieur: AS = AF*((1+0.42*E)+(0.00012*E3)) ;(4)

Temporal : AT = AF*((1+0.29*E)+(0.000012*E3)) ;(5)

Inférieur : AI = AF*((1+0.42*E)+(0.000055*E3)) ;(6).

où E est l’excentricité en degrés d’angle visuel, AF l’agrandissement de la partie fovéale du champ visuel.

Dans une tâche de détection de réseaux sinusoïdaux, en présentant des stimuli de même taille à 6 excentricités, Virsu et Rovamo (1979) ont observé que les courbes de la sensibilité au contraste se décalent verticalement indiquant une baisse des performances et se décalent horizontalement indiquant un meilleur traitement des basses FS en vision périphérique (cf. figure 18.A). Après agrandissement des tailles des stimuli, les courbes subissent une translation verticale et se superposent mais elles ne changent pas sur l’axe des FS. Dans une autre étude, Rovamo et al. (1978) ont mis à l’échelle les tailles des stimuli et ont représenté les FS des stimuli en fonction de leur représentation corticale pour les différentes excentricités. La figure 18.C montre un décalage vertical et horizontal permettant une superposition des courbes indiquant une égalisation des performances à toutes les excentricités.

On peut conclure qu’en partant de la fovéa vers la périphérie, les performances visuelles changent selon deux dimensions : une dimension verticale qui est l’équivalent du changement de l’étendue du cortex vouée à chaque excentricité et une dimension horizontale qui est l’équivalent des fréquence spatiales corticales.

Figure 18. (A) Représentation de la sensibilité au contraste en fonction des fréquences spatiales pour différentes excentricités rétiniennes sans mise à l’échelle des stimuli. Les courbes diffèrent selon deux dimensions : verticale (baisse de performances) et horizontale (les basses FS sont mieux traitées en vision périphérique). (B) Après agrandissement des tailles des stimuli sans agrandissement des FS, les courbes se décalent verticalement et se superposent mais il reste une différence horizontale en fonction des FS. Tirée de Virsu et Rovamo (19789). (C) Après une mise à l’échelle des tailles des stimuli et de leur FS, les courbes se sont décalées verticalement et horizontalement indiquant une égalisation des performances pour toutes les excentricités.

Tirée de Rovamo et al. (1978). A signaler que les FS des parties A et B sont représentées en cycles par degré et dans la partie C les FS sont représentées en cycles par millimètre de la surface corticale.

La distribution des cellules ganglionnaires et les performances visuelles diffèrent d’un individu à l’autre. Heureusement, il est possible de calculer le facteur d’agrandissement nécessaire pour produire les mêmes performances en périphérie qu’en fovéa pour chaque observateur sans se baser directement sur les données physiologiques (Johnston & Wright, 1986; Johnston, 1987; Saarinen, Rovamo & Virsu, 1989; Watson, 1987; Wright, 1987).