Conclusions et questions

Le champ visuel est représenté différemment selon qu’il s’agit de sa partie centrale ou de sa partie périphérique. L’agrandissement voué à la partie centrale augmente de la rétine au CGL et du CGL au cortex strié. La représentation spatiale est différente d’une aire corticale à l’autre. Les aires primaires (V1 et V2) ont une représentation topographique qui voue une grande superficie à la représentation du champ visuel central alors que dans les aires les plus éloignées (V6 et MT), le champ visuel central ne bénéficie pas d’agrandissement.

En se basant sur les études physiologiques du système visuel, Rovamo et Virsu (1978) ont proposé un même facteur de mise à l’échelle pour égaliser les performances dans différentes tâches visuelles à travers le champ visuel. La revue de l’ensemble des arguments théoriques et expérimentaux qui expliquent l’évolution des tâches de détection et d’identification à travers le champ visuel montre qu’il n’y a pas d’unanimité dans le sens d’une égalisation de ces deux tâches.

Dans plusieurs études, l’agrandissement des tailles des stimuli en fonction de leur emplacement en périphérie comme le propose Rovamo et Virsu n’a pas permis d’égaliser ces deux tâches visuelles (Farrel & Desmarais, 1990; Strasburger et al. 1994; Strasburger & Rentschler, 1996). En effet, le facteur de mise à l’échelle de la tâche d’identification est plus grand que celui nécessaire pour la tâche de détection. En revanche, l’étude de Higgins et al. (1996) a montré que le même facteur d'agrandissement était valable pour les deux tâches. Cette contradiction nécessite d’être éclaircie afin de trancher en faveur d’un modèle à échelle unique ou d’un modèle à double échelle.

Ainsi, la troisième partie de cette thèse sera organisée de la manière suivante. Le premier chapitre sera consacré à l’étude de la détection et de l’identification dans trois excentricités et a pour objectif de répondre à deux questions principales. La première question concerne la différence entre la vision centrale et la vision périphérique. S’agit-il d’une différence quantitative ? En d’autres termes, lorsque la même tâche est exécutée à travers différentes excentricités a-t-elle la même fonction de sensibilité hormis un décalage horizontal sur l’axe des tailles en log (cf. figure 26, condition A) ? Ou bien s’agit-il d’une différence qualitative ? En d’autres termes, la fonction visuelle évolue-t-elle de façon différente dans les deux parties: centrale et périphérique du champ visuel (cf. figure 26, condition B). La deuxième question concerne la différence d’évolution entre les deux tâches (détection et identification) supposées être contraintes par des facteurs différents (rétinien et cortical respectivement). Ont-elles besoin d’une mise à l’échelle identique ou différente, à savoir plus importante pour la tâche de détection que pour la tâche d’identification ?

Le deuxième chapitre sera consacré à l’étude de l’interaction spatiale ou l’effet de groupement qui est contraint par un facteur cortical. Cet effet est plus important en vision périphérique qu’en vision fovéale même après agrandissement spatial approprié du stimulus. Le but de cette étude est double, d’abord connaître la distance critique entre deux stimuli qui permet de les distinguer en vision périphérique. Ensuite, connaître l’ampleur de l’influence des caractéristiques physiques des éléments du pourtour (e.g. FS, contraste, orientation) sur l’ampleur de l’effet de groupement ?

Figure 26. Représentation schématique d’un changement d’une fonction visuelle dans deux excentricités. (A) Changement quantitatif : la seule différence entre les deux courbes est une translation horizontale. (B) Changement qualitatif : la fonction de la deuxième excentricité (en bleu) est décalée sur l’axe des tailles mais elle n’a pas la même forme que la première excentricité (en rouge).

L’objectif du troisième chapitre est de poser les fondements d’une approche innovante qui mesurera l’apprentissage perceptif et schématisera la forme apprise par l’observateur. Plusieurs expériences ont observé un effet de pratique et ont mis en évidence un apprentissage perceptif (McKee & Westheimer, 1978; Poggio, Fahle & Edelman, 1992; De Valois, 1977; Mayer, 1983; Fiorentini & Berardi, 1981; Ball & Sekuler, 1987; Gurnsey & Browse, 1987; Karni & Sagi, 1991; Steinman, 1987) plus spécialement dans la partie périphérique du champ visuel (Beard, Levi & Reich, 1995). Ces expériences ont étudié l’amélioration des performances, l’augmentation de la sensibilité ou la baisse des seuils.

Afin d’ouvrir de nouvelles perspectives dans l’étude de l’apprentissage perceptif, le troisième chapitre sera consacré à la mise en place d’une nouvelle technique permettant de répondre à plusieurs interrogations. La technique utilisée dans l’étude de classification d’images proposée par Ahumada (1996) est-elle applicable à la mesure de l’apprentissage perceptif ? Est-il possible d’apprendre un signal dont la forme est inconnue? Si l’observateur n’a pas appris la forme souhaitée, est-il possible de savoir quelle forme a-t-il appris ? Une application future de cette technique à travers le champ visuel permettra une meilleure comparaison et une meilleure compréhension des différences entre la vision centrale et la vision périphérique.