I. Expérience 4. Rôle de l’orientation dans l’effet de groupement.

1. Introduction

L’étude de l’étendue du groupement selon l’orientation du pourtour nous renseignera sur l’interaction de canaux visuels sélectifs à l’orientation. Les cellules du cortex visuel, du chat et du singe, répondent à des barres et à des bordures d’une gamme d’orientation très restreinte et elles répondent à une orientation optimale bien définie (Campbell, Cleland, Cooper & Enroth-Cugell, 1968; Hubel & Wiesel, 1962; Hubel & Wiesel, 1968; Schiller, Finlay & Volman, 1976).

Les canaux visuels sélectifs aux mêmes gammes d’orientations ne sont pas totalement indépendants et reçoivent des entrées inhibitrices de canaux qui codent des orientations avoisinantes . Différents auteurs ont suggéré que l’inhibition latérale entre les cellules corticales qui détectent l’orientation (Blakemore & Tobin, 1972; Nelson & Frost, 1978; Sillito, 1979) forme les bases des interactions psychophysiques entre réseaux différant par leur orientation (Blakemore, Carpenter, & Georgeson, 1970; Carpenter & Blakemore, 1973; Thomas & Shimamura, 1975; Wallace, 1969). Sillito, Grieve, Jones, Cudeiro et Davis (1995) ont observé que certaines cellules du cortex visuel primaire ont un taux de décharge plus important lorsque la cible est présentée en même temps qu’une autre cible avoisinante dont l’orientation est différente. Par contre, lorsque les cibles avoisinantes sont présentées seules, elles ne provoquent aucune réponse au niveau de ces cellules. Ces dernières semblent être spécialisées dans la détection des discontinuités de l’orientation telles que les jonctions.

Dans une étude récente, Leat, Li & Epp (1999) ont observé que les flancs ou éléments du pourtour, lorsqu’ils sont présentés aléatoirement, provoquent un effet de groupement plus important que les mêmes flancs présentés dans la même configuration tout au long d’une même session (e.g. les brisures des flancs C sont toujours orientées à droite). Cet effet a été observé en vision périphérique de 5° mais pas en vision centrale. Ces auteurs expliquent ces résultats par le fait que les besoins attentionnels sont plus importants en vision périphérique qu’en vision centrale.

L’objectif de notre expérience est de mesurer l’effet de l’orientation sur l’étendue du groupement et donc sur l’interaction entre canaux sélectifs à l’orientation en vision périphérique. Grâce à la structure des segments gabor qui composent notre stimulus, il nous a été possible de mesurer l’étendue de l’effet de groupement en gardant constante l’orientation locale et globale des segments de la cible E et l’orientation globale du pourtour mais en variant l’orientation locale des composants du pourtour. Trois conditions (C) ont été étudiées, l’orientation de la cible et du pourtour : identique (CI), verticale (CV) ou mixte (CM). Dans cette dernière condition, 50% des composants étaient verticaux et 50% étaient horizontaux.

Nous avons testé trois hypothèses :

Si l’interaction entre canaux sélectifs à l’orientation dépend de la similarité entre la cible et les éléments du pourtour, alors dans CI l’effet de groupement devrait être maximal, et faible voire absent dans CV.

Dans la condition CM la moitié des canaux est activée et l’autre moitié est inhibée. Ainsi, nous formulons l’hypothèse que si les besoins attentionnels sont très importants en périphérie, alors lorsque les éléments autour de la cible seront présentés de façon mixte et aléatoire, le seuil de distance entre le cible et le pourtour devra être supérieur à la moitié du seuil de CI.

Si la vision périphérique est qualitativement identique à la vision fovéale, alors la présence d’un pourtour jouxtant la cible devrait permettre de réaliser de meilleures performances que la présence d’un pourtour plus éloigné, comme l’ont observé Flom et al. (1963), Liu (2001) et Danilova & Bondarko (1999) en vision fovéale.