Smidt (1971) apporte une réflexion critique sur le rôle du market maker selon le modèle de Demsetz et met l'accent sur la notion des "prix raisonnables". Il distingue alors entre deux types de services de liquidité: le service d'immédiateté des échanges et le service de liquidité en profondeur, à travers la minimisation des variations des prix.
Il précise que l'ampleur de la fourchette n'affecte pas réellement les décisions des intervenants sur le marché. En revanche l'évolution des prix, suite à des situations de déséquilibres temporaires, constitue un aspect plus décisif. Il revient alors aux market makers de minimiser la variation des prix en vue d'éviter la fuite des participants par crainte d'être pénalisés en supportant une forte variation des cours.
Le marché offre de la liquidité en profondeur s'il a tendance à produire de faibles variations de prix. Les conséquences d'une liquidité en profondeur sont surtout importantes pour les petits investisseurs. En effet, les institutionnels sont mieux informés à propos des conditions temporaires du marché. Ils arrivent donc à se couvrir à temps ou se déplacer sur d'autres marchés. En revanche, les petits investisseurs ne disposent pas de la même mobilité, ni du même accès à l'information.
L'idée de Smidt va de pair avec les obligations du spécialiste, qui sont de tenir un marché continu, ordonné et profond.
Selon Stein (1991) 58 un marché ordonné est un marché où l'impact du "risque transactionnel" sur les prix d'équilibre n'est pas économiquement important. Un marché désordonné est un marché où les risques transactionnels impliquent des variations substantielles des prix sur le marché. Le risque transactionnel est, d'après l'auteur, le risque d'obtenir un couple (prix, quantité) non optimisé indépendamment d'une variation de l'information. En d'autres termes, le risque transactionnel est lié à l'incapacité de prédire avec une grande probabilité de réalisation le prix de transaction. Cette situation fait que la satisfaction d'un ordre est réalisable à un seuil de prix qui déçoit l'investisseur:
‘"Loosely speaking, transactional risk exist when there is the possibility that, at the moment an investor's order is executed, he regrets having submitted that particular order" p 96.’Schwartz (1993) explique le rôle des market makers dans la stabilisation des prix à court terme à travers une simulation d'un marché doté seulement de la présence d'un courtier. Ce courtier centralise les ordres qu'il reçoit et procède à leur croisement. Si la demande et l'offre sont assez étoffées (un carnet épais), les ordres arrivent alors à se croiser. En particulier, les ordres émis au cours du marché vont être satisfaits à des prix raisonnables.
En revanche, si le carnet d'ordres est mince, il devient difficile d'associer un grand nombre d'ordres et la satisfaction des ordres au cours du marché induit un effet de taille. En d'autres termes, les prix varient substantiellement si les ordres au prix du marché sont de grande taille.
Dans ce sens, ce sont les ordres à cours limité qui fournissent la stabilité des prix. Or cette stabilité ne rapporte aucun avantage particulier pour leurs émetteurs. Elle demeure alors une variable aléatoire et ne peut pas être optimisée.
Seule la présence des market makers peut garantir une meilleure stabilisation des prix. Quand ils affichent leurs prix, les market makers agissent de la même manière que les investisseurs qui transmettent des ordres à cours limité sauf qu'ils perçoivent une rémunération contrairement aux intervenants ordinaires.
La présence des market makers améliore la qualité du marché par la réduction de la volatilité des prix. Cette qualité attire les investisseurs qui préfèrent naturellement les marchés moins volatiles et accroît le volume des échanges. Le public est mieux servi et le market maker peut dégager des profits.
Cependant, l'efficacité du rôle des market makers dans la stabilisation des prix n'est pas inconditionnelle. L'auteur souligne l'effet contradictoire de la concurrence sur la production de la stabilité des cours. Il considère la stabilité comme un produit que la concurrence fragmente et affaiblit son niveau optimal 59 .
Il souligne à cet égard l'importance de la réglementation et cite l'exemple du spécialiste sur le NYSE. En effet, si les market makers en compétition ont tendance à compenser leurs efforts dans la stabilisation des cours, il revient aux autorités de rendre leur intervention obligatoire dans certaines situations.
A titre illustratif, l'obligation du spécialiste constitue une moyen réglementaire efficace pour obtenir un niveau socialement optimal de la stabilité des prix. En effet, le spécialiste est obligé d'intervenir en cas de glissement important des prix de transaction. Ainsi, il doit absorber l'excès de la demande en cas de variation considérable du prix à la hausse et inversement. Son action produit une stabilité additionnelle aux prix.
Cette obligation n'est pas désavantageuse pour le spécialiste. Celui-ci dispose d'une vue privilégiée de l'état global du marché grâce à son carnet d'ordres. Il peut donc rentabiliser son activité de market making à travers une meilleure connaissance des conditions des échanges. L'accès privilégié du spécialiste au carnet d'ordres constitue sa récompense pour son service de stabilisation des prix.
En résumé, le market maker fournit en plus du service de l'immédiateté des échanges, une action favorable à la stabilité des prix et la réduction de la volatilité des cours. Il produit donc de la liquidité en profondeur.
The Palgrave Dictionary of Money and Finance, p 95.
Schwartz (1993) "Professional market makers, may not supply the socially optimal amount of stability. Competitive market makers will supply less than the socially optimal amount because the increased order flow that results from any one market makers' stabilization activities is shared by them all. Thus externalities are involved, market makers can free-ride on each other's effort, an individual dealers only take their private benefits into account. A monopoly market maker internalizes the benefits that are external to the competitive dealers but, like any monopolistic, realizes greater profits by restricting supply and raising price.", p 139.