I.1.3 La réduction du coût de l'information

L'information est un élément théorique qui a profondément influencé la théorie du market making. D'une part, l'introduction du motif de transaction comme étant une variable explicative de la fourchette a souligné le problème de la sélection adverse. D'autre part, la notion de l'information privée a soulevé le problème de son incorporation et de sa révélation par les prix. Comme les market makers contribuent activement à la formation et à la stabilisation des prix, leur rôle est important dans la réduction de l'asymétrie d'information.

Bien que la majorité des écrits associe à Bagehot le mérite d'avoir introduit l'effet de l'information dans l'explication des négoces, d'autres auteurs se sont déjà interrogés sur la possibilité de négocier sur la base d'une information privée.

Lintner (1969) teste un modèle qui réunit un agent informé en possession d'une information favorable et un agent non informé. La détention d'une information privée altère la distribution de probabilités des rendements futurs. L'investisseur informé dont la distribution de probabilités l'incite à acheter, manifeste cette volonté en passant un ordre d'achat induisant une hausse des prix. De l'autre côte du marché, l'agent non informé ignore l'existence de cette information et interprète la hausse des prix comme une possibilité profitable pour vendre et réaliser une plus value. La négociation peut être conclue mais elle ne sera pas socialement profitable.

L'auteur admit ainsi la possibilité des négoces basés sur l'information privée bien qu'il lui associe une faible probabilité de réalisation en recourant à la rationalité des agents.

Plus tard, le fameux article de Treynor (1981), écrit sous le pseudonyme de Bagehot, a introduit la notion de "motif de transaction" 60 qui a donné naissance au problème de la sélection adverse.

En effet, l'auteur différencie entre deux types de participants: un négociateur motivé par un besoin de liquidité et un négociateur motivé par l'information. Or, la théorie fondatrice du market making prend uniquement en considération la demande des participants motivés par un besoin de liquidité.

La prise en compte de la transaction basée sur l'information privée a souligner le problème de la sélection adverse que le market maker rencontre lors d'une prise de position. En effet, les économistes ont positionné le market maker du côté des investisseurs non informés face aux insiders. Cette hypothèse a affecté les explications de la fourchette.

Selon l'hypothèse que le market maker est un agent non informé, celui-ci ne peut pas dégager des profits sur les opérations réalisées avec les agents informés. En revanche, il arrive à dégager des profits sur les opérations conclues avec des agents non informés comme lui parce qu'ils sont des demandeurs d'un service de liquidité.

En effet, les investisseurs non informés traitent tout simplement parce qu'ils sont motivés par un besoin de liquidité. Le recours au market maker leur coûtent une concession sur le prix. En revanche, les agents motivés par l'information recourent au market maker parce qu'ils sont impatients de tirer profit de leur information. Leur jugement des prix est plus pertinent que celui du market maker. Dans ce cas, le market maker encourt un manque à gagner.

Face à l'impossibilité de différencier les agents informés des agents non informés, le market maker ajuste sa fourchette en vue de se protéger. L'ajustement de la fourchette se fait par simple arbitrage des probabilités d'occurrence des agents ou au respect de certains signaux sur la typologie des investisseurs. Les nouveaux prix affichés par le market maker finissent par incorporer l'effet de l'information privée dans les prix du marché.

Les signaux que le market maker perçoit sont principalement le niveau du prix d'équilibre et la taille de l'ordre 61 .

En résumé, la justification théorique de l'activité du market making a connu plusieurs stades d'évolution.

Au début, l'existence des market makers a été attribuée au service de liquidité dans le sens de garantir le caractère immédiat des échanges. Dans ce contexte particulier, le rôle du market maker est passif et sa fourchette est sans effet sur la formation des prix.

Ensuite, l'explication détaillée des risques liés à la prise de position a souligné la non neutralité de la fourchette. En effet, le market maker cote ses prix d'une manière stratégique dans une perspective d'optimisation de sa position ou de couverture contre la sélection adverse. Les prix du market maker influencent donc la formation des prix sur le marché. Cependant, cet impact est positif parce que le market maker contribue ainsi à stabiliser les prix et réduire l'asymétrie d'information.

Notes
60.

Cf. supra chapitre 1, section 1.

61.

L'explication de la fourchette par la sélection adverse est mieux exposée dans le paragraphe suivant.