Alors que la contrepartie était un moyen très utilisé sur les marchés anglo-saxons depuis les années 1930, il a fallu attendre 1972 pour l'autoriser officiellement sur les marchés français. Néanmoins, elle était pratiquée d'une manière officieuse par les coulissiers 164 qui spéculaient sur des titres admis en bourse ou des titres non admis. De part leur désengagement des obligations du commissionnaire, ils jouissaient totalement de la liberté d’agir pour leurs propres comptes.
Cette situation illégale qui portait préjudice au marché réglementé a engagé un débat sur la contrepartie en partageant la doctrine en deux tendances 165 :
C’est la loi du 14 février 1942 qui a mis fin à ce débat en accordant aux coulissiers le statut d’agents de change. Désormais, leur activité était devenue soumise à la réglementation de la profession qui était en vigueur. Il leur était alors, au même titre que leurs confrères, interdit d’agir pour leur propre compte. Cette situation n’a pas cependant éliminé la pratique de la contrepartie.
En effet, les agents de changes se livraient à des actions similaires à la contrepartie pour le compte de leurs clients en achetant au comptant et en revendant à terme. Leur activité se trouvait couverte par une défaillance juridique. Les textes juridiques prévoyaient la pénalisation et la sanction des agents de change agissant pour leur propre compte mais n’envisageaient pas la nullité des opérations réalisées dans ce contexte particulier. La jurisprudence les avait admises parce qu’elle se reposait sur l’existence d’un accord explicite entre le commettant et son commissionnaire.
La contrepartie sur les valeurs mobilières a finalement été autorisée par la loi du 11 juillet 1972 en admettant l’intervention de l’agent de change pour régulariser les cours par des achats et des reventes de titres.
L’agent de change était ainsi sorti de son rôle traditionnel limité à la constatation des cours et à l’exécution des ordres laissés à ses soins. Désormais, il peut assurer lui-même la contrepartie des opérations qui sont livrées par ses clients.
Loi n° 72-650 du 11 juillet 1972, article 4, paragraphe II remplaçant l’article 75 du code de commerce stipule :
‘Alinéa A : Les agents de change peuvent constituer des sociétés dont l’objet exclusif est l’exploitation de l’office. Ces sociétés revêtent la forme soit de société en commandite simple, soit de société anonyme.Ces dispositions brèves ont donné naissance à l’activité de contrepartie dont les modalités techniques ont été précisées par le règlement de la chambre syndicale des agents de change en 1973. Deux procédures ont été préconisées pour son exercice.
La première procédure concerne les valeurs de la cote officielle, en particulier les valeurs les plus actives sur lesquelles des transactions importantes peuvent avoir lieu. Elle repose sur trois principes qui sont :
La deuxième procédure concerne les valeurs du hors cote. L’agent de change joue dans ce cas le véritable rôle d’un market maker anglo-saxon. Cette procédure spéciale requiert l’autorisation de la chambre syndicale des agents de change. Ainsi, l’agent de change contrepartiste cote un prix acheteur et un prix vendeur. La marge sert à couvrir son risque de contrepartie. Néanmoins, une mesure prudentielle a été préconisée. La position du contrepartiste doit être couverte à concurrence de 30% au moins par des fonds disponibles ou réalisables.
Il est important à ce niveau de délimiter les ressemblances et les divergences entre cette première réglementation française et celle qui est actuellement préconisée par le législateur tunisien:
Il apparaît ainsi que le lancement de l'activité de contrepartie en Tunisie est contraint à des conditions plus restrictives que celles qui ont entouré son émergence en France à la fin des années 1970.
La coulisse était née du privilège des agents de change qui possédaient le monopole des négociations des valeurs mobilières. La difficulté d’accès à la profession a incité la constitution d’un marché parallèle au marché boursier réglementé, appelé la coulisse.
Voir Grenier (1988)