Conclusion générale

Notre travail avait pour objectif principal de vérifier le manque de liquidité structurelle sur le marché boursier tunisien et de relier ce manque aux difficultés du marché.

La réponse à cette question a nécessité d'une part l'exploration des éléments théoriques relatifs à la notion de liquidité de marché. D'autre part, nous avons procédé à la validation empirique de l'hypothèse principale grâce à une étude chiffrée des indicateurs de la liquidité et à une enquête auprès des intermédiaires en bourse tunisiens.

Les éléments théoriques

Le parcours théorique a permis de définir la notion de liquidité de marché, de déceler ses dimensions et d'explorer ses mesures.

Ainsi la liquidité d'un marché est son aptitude à garantir aux participants la possibilité de traiter rapidement, à moindre coût et à des prix raisonnables. Un marché liquide est un marché large, profond et résilient. Un marché large est un marché équitable et épais caractérisé par la participation d'un grand nombre d'intervenants, par la présence des investisseurs institutionnels et par une offre suffisante des titres. Un marché profond est un marché transparent et régulier permettant d'échanger de grandes quantités de titres sans perturbation substantielle des cours. Un marché est résilient s'il est capable d'absorber rapidement les chocs des prix.

Les mesures de la liquidité du marché sont diverses et changent en fonction du contexte et de la dimension à laquelle on s'intéresse. Néanmoins, elles peuvent être globalement regroupées sous forme d'indicateurs de développement du marché ou d'indicateurs de variation des prix. En revanche, la fourchette des prix demeure la mesure théorique la plus citée et la plus explorée.

La liquidité du marché est obtenue grâce à la combinaison d'une microstructure appropriée et d'une intermédiation financière diversifiée.

Deux piliers des architectures des marchés affectent la production de la liquidité. Le premier est la consolidation temporelle et spatiale des flux d'ordres. Le deuxième est la présence d'intermédiaires.

La consolidation des flux d'ordres dans le temps et dans l'espace résulte principalement de la cotation au fixing et de la centralisation de l'offre et de la demande. L'objectif recherché est de maximiser le nombre d'ordres à cours limité croisés avec des ordres au prix de marché provenant du public. La production de la liquidité est réalisée dans ce cas à faible coût et à moindre volatilité, dans la mesure où elle est fournie par les investisseurs et non par les intermédiaires.

La présence des intermédiaires, en particulier celle des contrepartistes, garantit un service de négociabilité justifié par les économies d'échelle sur les coûts de transaction et sur les coûts de l'information. De plus, les portefeuilles des contrepartistes constituent un tampon entre l'offre et la demande en cas de déséquilibre temporaire du marché. Bien que certaines études remettent en question le rôle du contrepartiste dans la stabilisation des prix, une grande partie de la littérature demeure en faveur de sa présence en s'appuyant sur l'avantage de la liquidité additionnelle offerte par son portefeuille.

Néanmoins, les services de négociabilité, par la réduction des coûts de transaction et par la réduction de l'asymétrie de l'information, ne permettent pas de pallier la totalité du risque d'illiquidité du marché dont la portée dépasse le rôle des marchés secondaires. En effet, le market making améliore la liquidité du titre mais ne résout pas l'illiquidité du marché.

En réalité, pour qu'un marché puisse être liquide, rappelons le, il faut qu'il soit large, profond et résilient. Les services des contrepartistes contribuent partiellement à la réalisation des deux dernières dimensions, mais ne peuvent en aucun cas influencer la largeur du marché. La largeur du marché est tributaire de l'offre suffisante, de la participation active des institutionnels et de l'arrivée d'un grand nombre d'intervenants. La réalisation de cette performance implique l'ensemble des intermédiaires financiers à travers la mobilisation de l'épargne financière. Une telle mobilisation est possible par l'innovation des produits et par le développement de l'intermédiation financière en général.

En d'autres termes, l'étendue de l'épargne financière est conditionnée par la diversification des produits offerts. L'innovation des produits permet à la fois de solliciter l'intérêt des agents économiques qui cherchent des placements sûrs et rentables et d'apporter des solutions convenables aux sociétés qui choisissent de se financer sur les marchés de capitaux.

Le développement de l'intermédiation financière permet d'enrichir le tissu institutionnel du secteur et de promouvoir la spécialisation. L'étendue du système financier dont les acteurs institutionnels sont dotés de forte capitalisation permet de drainer le maximum de ressources. La spécialisation présente deux avantages: les économies d'échelle et l'amélioration du savoir-faire.

L'étude empirique

La partie empirique a porté sur le cas particulier de la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis. Les investigations menées dans le but de prouver son illiquidité ont généré de multiples conclusions. La conclusion principale est la validation de notre hypothèse de départ qui stipulait un manque de liquidité structurelle entravant son essor de manière durable.

Dans la même logique que la théorie exposée en première partie, l'analyse du cas tunisien nous a amenés à explorer ses aspects microstructurels.

L'investigation du cadre législatif, fiscal et organisationnel permet de conclure que le marché a bénéficié de plusieurs réformes conséquentes au choix de l'économie de marché. Ces réformes ont apporté un meilleur encadrement de la notion d'appel public à l'épargne et une vague d'innovation touchant les produits et les institutions. En particulier la microstructure du marché a bénéficié d'un aménagement institutionnel permettant une nécessaire séparation des missions, l'encadrement des critères d'introduction et l'octroi du monopole de négociation aux intermédiaires en bourse.

En terme de mesures favorables à la liquidité, nous soulignons particulièrement l'aménagement des règles de cotation, la réglementation précise des procédures de livraison et la révision récente des critères de diffusion.

Le protocole de négociation sur la Bourse de Tunis a été favorablement amélioré grâce à l'introduction du système électronique de cotation qui a permis d'éliminer les négociations complaisantes. De plus, ce système repose sur le principe de cotation en continu avec une ouverture au fixing. Ce mode de fonctionnement renforce l'aspect désirable d'une présence simultanée des négociateurs et la centralisation de leurs flux d'ordres. En outre, ce mode de fonctionnement incorpore le principe de l'unicité des prix de transaction qui permet de réduire la volatilité des cours.

La réglementation précise des procédures de livraison a permis de renforcer la sécurité et de raccourcir le délai du retour des négociateurs sur le marché.

En troisième lieu, les autorités boursières ont révisé le critère de diffusion du capital pour les sociétés cotées en bourse. Elles exigent un seuil maximum de capital détenu par investisseur de l'ordre de 0,1%. Cette règle est susceptible d'augmenter le nombre des intervenants sur le marché.

La mesure de la liquidité par des indicateurs de développement et de rotation a révélé l'étroitesse et l'inactivité du marché. Il souffre d'une offre insuffisante et d'une concentration sectorielle des titres cotés. De plus la rotation des capitaux et celle des titres admis sont limitées. Cette inactivité est généralisée à l'ensemble du marché, même si certaines valeurs laissent croire à des performances exceptionnelles, sur toute la période étudiée. Ces constats conduisent à conclure que le marché souffre d'une illiquidité durable et étendue.

Une exploration approfondie de cette situation a nécessité l'avis des professionnels grâce à une enquête.

L'enquête a permis d'éclaircir la situation en générant les conclusions suivantes.

Les insuffisances de la profession boursière sont aggravées par le rôle limité des investisseurs institutionnels dans la mobilisation de l'épargne financière et dans son emploi sur le marché boursier. A l'exception des sociétés d'investissement dont l'activité est principalement orientée vers le marché des titres de créance, le marché des actions demeure délaissé par les compagnies d'assurance et les autres formes institutionnelles de l'épargne.

A la lumière de ces éléments, l'amélioration de la liquidité du marché boursier tunisien nécessite deux aménagements principaux: l'élargissement de la cote et l'encadrement de l'activité de contrepartie.

La cote peut être enrichie par l'innovation des produits et le développement du rôle des investisseurs institutionnels. Du côté de la demande, l'innovation des produits permet de faciliter l'initiation des petits porteurs au fonctionnement du marché et l'alternance entre les statuts de créancier et d'associé. Du côté de l'offre, elle apporte des réponses diversifiées aux besoins de financement. La présence accrue des institutionnels permet de renforcer les volumes des échanges et contribuer à la réduction de l'asymétrie d'information.

L'encadrement de la contrepartie nécessite la révision de la réglementation, l'élaboration des règles techniques, son encouragement par des mesures tarifaires et son caractère obligatoire dans certaines conditions. Les contrats de placement et d'animation doivent être particulièrement encouragés en vue de promouvoir l'activité de contrepartie.

Les perspectives de recherche

Ce travail ouvre principalement la voie à deux perspectives de recherche: