Partie III : la recherche d’une mesure et l’étude lexicale

La troisième partie de cette enquête vise trois objectifs :

Question 1 : Par quelle mesure peut - on apprécier la liquidité sur le marché tunisien ?

Les résultat montrent l’utilisation moyenne de trois indicateurs par intermédiaire. Les mesures les plus utilisées sont la rotation physique des titres, la rotation des capitaux et le volume des transactions.

En effet, 86% des intermédiaires soutiennent l’utilisation la rotation physique des titres pour mesurer la liquidité sur le marché boursier tunisien. Cette mesure est déjà adoptée par la bourse dans le classement des valeurs les actives. De plus, ce choix semble être convenable sur un marché dont les cours des actions cotées varient entre 4 dinars (l’action STIL) et 155.200 dinars (l’action Air Liquide) 191 . Ainsi, les échanges peuvent être amplifiés par l’effet des cours et il devient pertinent d’utiliser la rotation physique des titres pour comparer la liquidité des valeurs.

En deuxième lieu, le volume de transactions et la rotation des capitaux s’avèrent être utilisés par 57% des intermédiaires. Précisons à ce niveau que le volume de transactions renseigne sur le montant global des échanges alors le taux de rotation des capitaux traduit la vitesse de circulation des capitaux boursiers. Une mesure en terme de rotation des capitaux a plutôt attrait à la profondeur d’un marché alors qu’une mesure de la liquidité en terme du volume des échanges traduit la taille du marché, son sa largeur.

Ensuite, les ratios de liquidité ont regroupé 12 citations soit un taux d’utilisation égal à 43%. Les ratios de liquidité sont théoriquement la mesure la plus adaptée après la fourchette des prix sur les marchés modernes. Ils renseignent sur la variation des prix par rapport aux quantités et mettent ainsi en évidence la profondeur du marché.

En revanche, la conclusion la plus importante qui découle de l’ensemble de ces réponses demeure la non utilisation de la fourchette des prix et des ratios de variance et l’emploi restreint du flottant et de l’indice des prix.

Bien que la fourchette des prix soit considérée comme étant la mesure la plus conventionnelle de la liquidité des titres boursiers, elle a été absolument éliminée de l’ensemble des indicateurs utilisés par les intermédiaires tunisiens. Ceci s’explique partiellement par la tradition organisationnelle du marché basée sur l’autoliquidité et l’absence de l’activité de contrepartie. Cependant, il convient de mesurer la liquidité par la fourchette du marché qui est la différence entre le prix d’achat le plus élevé et le prix d’offre le moins élevé. Toutefois, cette pratique n’est pas admise par les intermédiaires tunisiens.

Par ailleurs, les intermédiaires avaient exprimé une grande difficulté à répondre aux questions de cette partie. Certains ont ajouté des commentaires interrogatifs sur la signification et la pertinence de certains indicateurs :

Les indicateurs de la liquidité classés par taux d'utilisation
Les indicateurs de la liquidité classés par taux d'utilisation

En résumé, la difficulté théorique relative à la mesure de la liquidité a été empiriquement vérifiée. Elle est particulièrement présente chez les intermédiaires tunisiens dont certains confondent encore la rotation des titres et la rotation des capitaux et d’autres ignorent la notion de flottant. Cependant, on vérifie la multiplicité des indicateurs possibles au même titre que l’utilisation de plusieurs mesures par les intermédiaires français dans l’enquête directive. Pour l’étude sur l’évolution de la liquidité des valeurs tunisiennes établie dans le travail de la thèse, nous ferrons usage des trois premiers indicateurs utilisés par les intermédiaires tunisien en plus d’une appréciation en terme de la fourchette.

Question 2 : Etes vous satisfaits du nouveau système de cotation électronique en continu ?

A cette question, tous les intermédiaires avaient répondu d’une manière affirmative. Un seul intermédiaire avait manifesté une reproche relative à l’absence des investisseurs lors des séances de cotation. En réalité, depuis l’installation du système électronique, la salle de marché est interdite au public et autorisée seulement à deux mandataires au plus par société de bourse. Cet intermédiaire avait songé à l’impact positif que pouvait avoir la présence des investisseurs sur l’accélération de la transmission des ordres et surtout au rétablissement d’une atmosphère de confiance.

Question 3 : Si oui, c’est parce qu’il a :

Les avantages du système de cotation électronique SUPERCAC UNIX selon les professionnels du marché
Motif Nombre des citations Pourcentage
Faciliter la gestion des ordres 20 71%
Accélérer les échanges 14 50%
Assurer une meilleure gestion de l'information 14 50%
Faciliter l'accès au marché 6 21%
Améliorer la largeur 4 14%
Réduire le coût de transaction 2 7%
Améliorer la profondeur 1 4%
Total 61 100%

Les avantages associés à la cotation automatisée en continu sont variés. Trois raisons sont principalement à l’origine du contentement des professionnels du marché tunisien : une gestion simplifiée des ordres, des échanges plus rapides et une meilleure gestion de l’information.

Selon 20 intermédiaires, soit 71% de la population étudiée, la gestion des ordres est devenue plus facile et meilleure depuis l’installation du système de cotation électronique. C’est la cotation écrite sur panneaux individuels par valeur qui avait prévalu depuis janvier 1990 jusqu'à son remplacement au profit de la centralisation électronique en 1997. En outre, 50% des intermédiaires interrogés affirment que la cotation électronique en continu a accéléré les échanges. Rappelons que la vitesse d’exécution des ordres est un aspect indiscutable de la liquidité. De plus, 50% des citations ont argumenté l’utilité de la cotation électronique par une meilleure gestion de l’information. La cotation en continu a permis de renforcer la transparence du marché à travers la diffusion en temps réel des prix de transactions, de leur volume et de la taille des lots. Il est à souligner aussi l’anonymat des intervenants qui renforce l’intégrité du marché et le traitement de tous les investisseurs sans favoritisme.

Cependant, on ne relie pas le système de cotation électronique à une réduction du coût de transaction bien qu’elle soit l’avantage commun à toute les nouvelles technologies de négociation. Les professionnels du marché boursiers tunisiens se soucient peu de la notion du coût de transaction parce qu’ils la réduisent d’une manière simplificatrice à la commission de courtage. D’une part, les coûts de traitement de traitement et d’exécution des ordres font l’objet d’un gain de productivité et d’économies d’échelle grâce à l’utilisation des systèmes de cotation automatisée. D’autre part, la cotation en continu améliore la transparence du marché et contribue donc à minimiser les variations des cours. Les fluctuations des prix constituent la composante du coût de transaction appelée “ impact du marché ”.

D’autant plus, deux intermédiaires seulement ont songé à l ‘amélioration de la profondeur, à l’amélioration de la largeur et la régularité des prix ; des prix réguliers découlent d’une diffusion complète et efficace de l’information. Il est alors contradictoire de soutenir le rôle du système de cotation électronique dans l’assurance de la transparence du marché sans relier cette transparence à la régularité des prix de transaction.

Par ailleurs, le système de cotation électronique permet d’éliminer les ordres émis à des prix très éloignés de la fourchette ce qui revient à dire qu’il assure plus de profondeur. De plus, le système de cotation en continu a permis d’améliorer l’intégrité et l’équité du marché en éliminant les relations de complaisance entre les intermédiaires. Ces derniers se livraient, lors de la préséance de cotation , à des opérations de compensation des ordres laissés à leur soin. Ainsi, les négociations se résumaient à des accords préalables à la cotation écrite et les prix sont arrêtés de gré à gré contrairement à la procédure en vigueur. C’est cette situation que résument deux intermédiaires par les remarques suivantes :

En revanche, en plus de ces explications, les intermédiaires ont eu recours à des argumentations supplémentaires. Nous retenons d’entre elle l’avantage de la normalisation du marché. Il est vrai que l’introduction du système SUPERCAC a permis au marché boursier tunisien de se moderniser, d’harmoniser son organisation avec des marchés internationaux tels que la Bourse de Paris et de se rapprocher ainsi de l’organisation des marchés développés.

En résumé, l’introduction du système électronique de cotation a permis un meilleur contexte pour la négociation des ordres et la conclusion des opérations, même si elle a été également un facteur de chute des cours. En effet, le transfert des valeurs sur le système électronique a été généralement fait à des cours plus bas que le niveau habituellement observé pour les mêmes valeurs dans le passé. Cette situation s’explique tout simplement par un réajustement des cours gonflés par l’engouement de la demande avant le crise. Ces cours étaient établis selon une confrontation déformée de l’offre et de la demande à cause de l’ingérence des intermédiaires.

Les avantages les plus cités du systèmes cotation électronique
Les avantages les plus cités du systèmes cotation électronique

La suite des question est consacrée à une vérification de l’usage des termes retenus dans la définition de la liquidité, en l’occurrence, largeur, profondeur et résilience. Notre objectif est de montrer que la méconnaissance de ces aspects provient essentiellement de leur confusion. Cette confusion ou le regroupement de deux aspect sous la même appellation sont à l’origine de la restriction de la notion de liquidité à une seule de ses caractéristiques.

Question 5 : D’après vous, que signifie la largeur d’un marché de titres ?

Les réponses par choix multiples :

Cas particuliers :

Avant de commenter les citations collectées auprès des intermédiaires concernant la définition de la largeur du marché, nous avançons une autocritique sur les réponses avancées dans le questionnaire. En effet, nous avons omis de proposer une alternative concernant la participation des investisseurs institutionnels. La taille des intervenants au marché et en particulier la participation des institutionnels est une composante de la taille du marché, c’est à dire de sa largeur.

Quant à l’ensemble des citations collectées, il en ressort d’abord un taux de réponse particulièrement inférieur à 100% comme c’est le cas pour le reste de l’enquête. Deux intermédiaires se sont abstenus de répondre alors qu’un troisième avait opté pour toutes les réponses proposées, ce qui rend sa participation nulle.

Parmi les réponses recevables, 43% des intermédiaires assimilent la largeur au nombre de participants au marché. 32% évaluent la largeur par le volume des transactions et 14% considèrent l’importance des flux d’ordres comme une indication sur la taille du marché. Ils ont tous raison de prendre en considération ces définitions dans la mesure où la largeur d’un marché traduit son étendue par opposition à l’étroitesse (thinness). Cependant, il est important de différencier la taille d’un marché de son activité. En effet, un marché peut être large grâce à une capitalisation élevée et un grand nombre de titres cotés mais il peut rester inactif à cause d’un coût de transaction élevé ou des transactions sporadiques même si elles portent sur des grandes quantités de titres.

Il est à remarquer encore une fois l’absence de la notion de fourchette des prix de l’explication des aspects de la liquidité. La largeur, traduite par un volume important des échanges, peut être assurée par l’émission d’ordres limités proches des bornes de la fourchette de marché. Ceci favorise les possibilités d’échanges. Néanmoins, un seul intermédiaire a relié les ordres limités à la notion de la largeur.

Question 6 : Que signifie la profondeur ?

Les réponses à choix unique
Proposition Citations Fréquence du terme
Un flux d'ordres important 2 20%
Un volume de transactions important 3 30%
Des prix réguliers 1 10%
Réponse immédiate aux déséquilibres du marché 1 10%
Meilleure dissémination de l’information 1 10%
Résistance aux chocs des prix 2 20%
Total 10 100%

Les réponses multiples :

(Chacune des réponses suivantes est survenue une seule fois)

Cas particulier :

Un intermédiaire définit la largeur et la profondeur exactement de la même manière, c’est à dire en combinant des ordres de grandes taille et un flux d’ordres important.

La profondeur réfère globalement la capacité offerte par le marché de ramasser des grandes quantités de titres sans causer des perturbations considérables des prix. Telle est la définition qui nous sert de référence pour l’analyse des réponses collectées.

D’abord, nous soulevons la répartition des citations sur toutes les réponses proposées à l’exception de la possibilité des prix inclus dans la fourchette. La réponse qui avait attiré le maximum d’attention auprès des intermédiaires demeure l’importance du flux d’ordres. Malheureusement, le flux d’ordres n’a aucune relation directe avec la notion de profondeur qui couvre plutôt la taille des ordres. C’est ce qui justifie l’idée d’évoquer, à ce niveau de l’enquête, l’idée de la présence des investisseurs institutionnels. En effet, les institutionnels sont les intervenants capables de se procurer des quantités considérables de titres en émettant donc des ordres de grande taille, bien que, dans la majorité des cas, ce type de transactions se fait de gré à gré (upstairs markets).

De plus, quatre intermédiaires ont opté pour l’importance du volume de transactions pour définir la notion de profondeur. Le volume des échanges sur un marché renseigne sur son étendue, c’est à dire sur sa largeur tel qu’il a été précisé dans l’analyse précédente. Il existe vraisemblablement une confusion entre les deux notions qui fausse la définition de la liquidité.

Par ailleurs, l’idée des prix réguliers a été retenue par un seul intermédiaire, ce qui est une conséquence logique à la méconnaissance de la profondeur. L’idée prédominante sur l’aspect d’un marché régi par les ordres induit également les intermédiaires en erreur. Le principe des marchés basés sur la centralisation des ordres ne signifie pas l’élimination de la notion de prix qui est une composante fondamentale de la liquidité des titres. En effet, il ne suffit pas à un marché de garantir seulement l’exécution rapide des ordres pour le qualifier de liquide. Les investisseurs doivent en outre obtenir des prix d’exécution justes. La régularité des prix, découlant de l’efficacité du processus de négociation et de l’efficience du marché, assurent ce deuxième aspect de la liquidité des titres.

Question 7 : Que signifie la résilience ?

Il y a eu uniquement des réponses multiples à cette question. L’ensemble des citations collectées se présente comme suit :

La fréquence des termes utilsés dans la définition de la notion de résilience
Proposition Citations Fréquence du terme Population en %
La régularité des prix 6 23% 21%
Absorption rapide des chocs des prix 8 31% 29%
Meilleure dissémination de l'information 8 31% 29%
Résistance aux chocs des prix 4 15% 14%
Total 26 100% 93%

D’abord, il est à remarquer l’utilisation simultanée de deux idées semblables : une absorption rapide des chocs des prix et une résistance aux chocs des prix. Ceci peut renseigner sur une hésitation avant de cocher la case appropriée comme il peut conduire à soulever un manque de rigueur lors de la réponse à nos questions. Or, il est à préciser à cet égard, que lors de nos contacts avec les intermédiaires en bourse pour la collecte des réponses, ces derniers nous ont avoué la difficulté rencontrée à ce niveau de l’enquête. Dans plusieurs cas, ils ont précisé qu’ils utilisent couramment chacun de ces termes mais il leur est difficile de les définir précisément.

Quant à la notion de la résilience, elle traduit la capacité du marché à attirer l’intervention des investisseurs potentiels en cas de déséquilibre de l’offre et de la demande pour ramener les prix à leur niveau d’équilibre. Cette intervention résulte d’abord de l’existence potentielle de ces intervenants. Ensuite, l’information sur l’état du marché et sur le niveau des prix doit être véhiculée rapidement et acheminée vers les investisseurs pour les inciter à intervenir. C’est une grande partie du travail des courtiers dans leurs démarches de transformation de la disparité spatiale . Ces deux notions, l’absorption rapide des perturbations des prix et la vitesse de circulation de l’information ont constitué 31% des réponses collectées.

Notes
191.

D’après les cours au mois de février 2000..