Chapitre quatre : Consciences contaminées et paysages tyrannisés

Introduction

Désormais, le monde envoûté par le beau ténébreux au cours de l’expédition nocturne, qui ressemble fort à une messe noire du langage, se trouve tout entier sous tutelle. Mieux encore, Allan, par sa seule présence suscite et organise des paysages qui sont les faces successives de son dandysme noir. Des paysages se lèvent dans son sillage, sous formes de souvenirs, de rêves ou de parcours qui intéressent chaque personnage, selon sa force ou sa faiblesse, ses expériences intimes et sa plus ou moins grande résistance aux sollicitations d’Allan. En ce sens, le beau ténébreux est un éveilleur de mondes, et partant de consciences, si tant est que la subjectivité ne se peut jamais concevoir sans relation avec un cosmos qui la soutient et la remplit de sa présence. En effet, dans la mesure où le charme noir d’Allan subjugue les paysages, il agit aussi sur les esprits des protagonistes composant sa petite cour, contaminant chacun selon sa pente la plus intime. Les successions de rêves, parmi lesquels celui d’Henri, même si l’authenticité de l’entreprise d’Allan demeure indécidable, montre à quel point les personnages ont été bouleversés par l’excursion au château de Roscaër. En ce sens, il s’agit bien d’un point de passage à partir duquel s’enlève tout le livre, ainsi que le disait Jean-Louis Leutrat, et ceci d’autant plus, sans doute, que l’invasion affective subie par les personnages au coeur de leurs songes, fait naître des scènes de contemplation fascinée depuis de nouveaux belvédères de la fantasmagorie.