Conclusion

La confrontation avec les paysages est bien le point de coïncidence entre l’historique et l’anhistorique de la condition humaine ; là est aussi l’un des multiples noeuds ardents de la poétique qui se met en place à partir du Rivage des Syrtes et continue de se développer dans Un balcon en forêt, La Route et Le roi Cophetua. Dans leur diversité, ces fables de quête et d’initiation ont en commun le même puissant désir d’immanence qui focalise toute l’énergie de leurs acteurs : un ailleurs s’avance sous des formes masquées, tentatrices et merveilleuses, avec la propriété singulière d’appartenir moins à quelque au-delà métaphysique ou religieux, qu’à ce monde même, rendu sublime et mystérieux, dans toute sa puissance d’étrangeté sensible, comme le brouillard tonal du grand accord inaugural de l’Or du Rhin.

Cependant, à partir du Rivage des Syrtes, et pour longtemps, l’accord retrouvé n’est jamais si brûlant que sur le fond d’un péril qui en menace et simultanément en autorise le dévoilement. Le sentiment de l’immanence est rarement donné à l’état de simple grâce bienheureuse. Quelque chose vient le troubler, qui le rend d’autant plus précieux, net, et marqué du sceau anxieux de l’urgence absolue. Cet élément énigmatique n’est rien d’autre que la mise en tension du monde par l’ombre profilée de l’Hitoire. Cet élément de trouble se manifeste d’abord dans l’expérience initiatique du voyage. Partir pour la première fois, approcher du coeur battant d’un autre monde, c’est vivre une dilalectique du familier et de l’ailleurs, de l’historique et de l’individuel, qui, chaque fois, prend une forme nouvelle, qu’il s’agisse du parcours d’Aldo vers les Syrtes, de l’itinéraire de l’aspirant Grange vers Moriarmé puis la maison forte des Falizes, dans Un balcon en forêt, ou du voyage en train vers Braye-la-Forêt dans Le Roi Cophetua.