Les viandes et les poissons

Comme dans beaucoup de campagnes françaises, le porc était la principale source de protéines animales. Chaque année étaient élevés et abattus, pour la consommation domestique, un ou quelques porcs en fonction du nombre des membres de la ferme. L’essentiel de la viande était conservé au saloir. Elle était consommée toute l’année, surtout sous la forme de lard et de saucisson (dans certaines familles, ces derniers étaient réservés pour les occasions particulières). Lors de l’abattage, l’usage consistait à porter aux parents et voisins, à titre de réciprocité, une assiette de charcuterie, appelée « fricassée » et comprenant du boudin*, du foie, du mou ou du civier, en somme les morceaux ne pouvant se conserver. Mais la Bresse ne se distingue pas par une culture des charcuteries très marquée telle qu’elle peut exister dans d’autres régions comme en Franche-Comté par exemple. A cette époque, les animaux de la basse-cour (volailles et lapins) apparaissaient plus fréquemment qu’auparavant sur les tables paysannes. Les pigeons, dont le développement est rapide (« ‘en trois semaines, on avait un couple de pigeons ’»), étaient consommés assez facilement (« ‘s’il y en avait un seul par exemple, qu’on ne pouvait pas le vendre’ »). Les oeufs, produits en quantité importante, étaient également très utilisés dans l’alimentation : « ‘on emmenait des oeufs durs dans les champs, certains hommes en mangeaient crus le matin’ ». Ils entraient également dans la confection d’omelettes, de gratins, de tartes, etc. Quant à la viande dite de boucherie (boeuf, veau), bien que de moins en moins exceptionnelle, elle restait encore rare et ne comprenait que les bas morceaux tels que le pot-au-feu. Elle n’était consommée « que le dimanche » dans certaines familles, beaucoup moins dans d’autres : uniquement à Pâques et pour la vogue ou lorsque dans le voisinage un animal accidenté devait être abattu et vendu à bas prix entre les voisins. L’agneau était peu courant en Bresse : certaines personnes ont expliqué cette absence par les risques élevés dans la région de contamination par la douve. Enfin, les rares poissons consommés étaient des poissons d’eau douce, occasionnellement pêchés dans les biefs des rivières, ou dans quelques familles des filets de morue salée. Quelquefois, du gibier, braconné, apportait de la diversité aux repas, ainsi que les grenouilles ou les escargots, très appréciés dans certaines familles, délaissés dans d’autres.

La consommation de viande, comme dans toutes les campagnes françaises, a fortement augmenté depuis l’après-guerre. Les interlocuteurs marquent cependant des différences notables selon la nature des viandes : globalement, la viande de bovidés (boeuf et veau) entre couramment dans les menus des ménages et les volailles se sont banalisées. A l’inverse, la viande de porc, surtout sous sa forme de lard, est moins fréquente qu’auparavant. L’agneau, plus courant, reste néanmoins peu consommé. Quant aux poissons et fruits de mer, s’ils ont pénétré le corpus alimentaire bressan, ce n’est que lentement et avec réserve. Une Stéphanoise se souvient du premier qu’elle ait consommé, c’était en 1948 lors de son mariage : « ‘on avait dit, faut qu’on fasse des brochets en mayonnaise, ça sortira un peu de l’ordinaire’». L’arrivée des congélateurs a largement participé à la diffusion de cette catégorie d’aliments : les poissons panés ont été parmi les premiers poissons de mer à s’imposer. Ils sont maintenant délaissés au profit des poissons non panés, frais ou surgelés. Mais la diversité reste limitée et les recettes peu variées : « ‘je le fais ou au court-bouillon avec une petite mayonnaise ou alors je fais un filet que je passe au four avec un peu de citron dessus ’». Les fruits de mer restent peu appréciés : « ces petits trucs où y a rien dedans... », « ‘je préfère largement du poulet à la crème à des huîtres ’».