Les assaisonnements marquent de manière très forte l’identité des cuisines.
La cuisine bressane paysanne était peu aromatisée. En dehors de la muscade ou des clous de girofle qui parfumaient éventuellement les saloirs, et surtout du poivre, aucune épice n’était employée. Quant aux herbes et condiments, entraient dans les préparations, pour la plupart en quantité réduite, le persil, les oignons et l’ail et selon les familles, la ciboulette, le thym, le laurier, les échalotes. L’ail était utilisé pour les rares préparations de gigots ou rôtis, pour le camyon et parfois les sauces de salade. Celles-ci étaient préparées à partir de moutarde, vinaigre et huile, cette matière grasse étant parfois remplacée par de la crème fraîche. De manière générale, le vinaigre était courant : en plus de la sauce de salade, il assaisonnait les fricassées de courge, les oeufs au plat, les tartes à la lyonshe* 152, etc. Le vin blanc et le vin rouge servaient à l’élaboration de sauces pour les viandes. En dehors de ces quelques herbes et condiments locaux, aucun autre n’était utilisé : ni olive, ni menthe (hormis pour les infusions), ni aneth, ni coriandre, ni basilic, ni citron, ni câpre, ni raifort, ni anchois, etc.
La cuisine bressane reste peu aromatisée. Ainsi, en réponse à une question portant sur l’utilisation qu’elle fait des herbes et condiments, une cuisinière déclare « ‘je ne mets pas d’herbes de Provence, rien’ », ce qui sous-entend que pour elle les aromates se limitent à celles-ci. Une autre précise que « ‘si on veut faire de la cuisine bressane, on reste toujours dans les assaisonnements simples, c’est-à-dire sel et poivre. Pas d’herbes de Provence, un peu de persil et oignons, de la ciboulette ’». Cependant, contrairement à la cuisine de ces dernières, certaines herbes et condiments ont pénétré le corpus alimentaire bressan, surtout chez les jeunes générations. Ils sont cependant toujours utilisés en faible quantité et avec plus ou moins de réserve selon les familles. Les herbes de Provence servent effectivement pour les grillades ; le basilic a fait récemment son entrée pour accompagner les tomates ; l’estragon est cultivé dans certains jardins ainsi que la menthe. Le citron permet d’assaisonner le poisson, les olives sont essentiellement destinées à la confection de cakes salés. Quant à l’absence d’épices, elle demeure une réalité locale forte : la vanille est rare, la cannelle encore plus ; le gingembre, l’anis, le genièvre, la coriandre ou encore le cumin absolument inemployés. La résistance est inébranlable concernant les piments : la simple perspective d’en manger provoque un rire de défense153. En somme, les Bressans retiennent de leur alimentation l’insignifiance des aromates : « ‘Oh là là, vous en avez de ces bonnes choses !’ » finit par lancer une interlocutrice à qui j’énonce une liste d’épices et condiments afin de m’assurer que nous n’ayons rien oublié. Puis pour clore cette énumération, elle conclut : « ‘j’ai du sel et du poivre, c’est tout’ ».
Nous avons retenu l’orthographe proposée dans l’ouvrage Qu’elle était riche notre langue ! Glossaire du Patois Bressan de Saint-Etienne-du-Bois (1996, p.84).
Il faut souligner ici l’opposition avec la Bresse du nord, où dans certaines communes, est traditionnellement cultivée une variété de piment, appelée « poivre rouge ». Finement moulinée, elle entre dans la confection du fromage fort.