La crème, « ça va avec tout »

Si les épices, herbes et condiments étaient peu présents, la crème était l’assaisonnement principal. Dans la mesure du possible, elle pouvait accommoder de multiples aliments : les soupes de courge, les divers gratins de pommes de terre, de pâtes, de poireaux ou de courge, les purées de pommes de terre, les fricassées de légumes (dont celles de courge, d’épinards, de haricots verts), mais aussi la sauce des salades vertes, des haricots verts ou en grains, des betteraves rouges, avec les radis et les fraises, sur les tartines de paria ou vincuit et bien entendu le poulet... ou encore la tasse de café ! Elle entrait dans la confection du boudin, de la tarte à la crème*, du flan et de la tarte au fromage, des boulettes* de porc et même de la pâte à tarte dans certaines familles. En somme, la crème fraîche pouvait être employée de l’entrée au dessert, froide ou chaude, cuisinée ou non. Elle apparaît véritablement comme un aromate qui donne de la saveur aux principaux aliments et les rend appétissants. Mais si elle allait avec de multiples aliments, elle n’était, en réalité, pour des raisons économiques, pas systématiquement utilisée : elle était ajoutée, selon les familles, en quantité plus ou moins importante et surtout à une fréquence variable.

Il ressort, de cette utilisation de la crème, une association singulière, très courante, avec le vinaigre qui se manifeste tant dans les sauces de salade et des betteraves rouges, que dans les fricassée de courge, la cuisson des oeufs au plat ou la tarte à la lyonshe.

Si la crème reste un assaisonnement caractéristique de la cuisine bressane, elle fait l’objet d’une évolution similaire à celle du beurre : elle reste très consommée dans certains ménages mais tend à l’être beaucoup moins dans d’autres : « ‘ben on parle beaucoup de crème, mais on n’en mange pas tant que ça maintenant. C’est vrai qu’avant on cuisinait beaucoup, beaucoup à la crème ’». Cependant les aliments qu’elle assaisonne ont évolué. Ainsi, de nouveaux produits, tels que les fromages blancs, les escalopes de poulets ou de dinde, les endives au jambon ou encore les escargots et les grenouilles, sont maintenant cuisinés ou servis avec de la crème fraîche : « ‘les escargots se mangeaient essentiellement au beurre autrefois alors qu’aujourd’hui dans les restaurants tu manges des escargots à la crème. Et les grenouilles aussi on les mange à la crème aujourd’hui’ ». Mais si cette matière grasse est désormais ajoutée à de nouveaux aliments, à l’inverse, se raréfient certaines préparations à base de crème comme les sauces de salade verte ou de betterave. Beaucoup de Stéphanois ont arrêté cet assaisonnement ou ne le réalisent qu’occasionnellement. De manière générale, l’assaisonnement singulier à la crème et au vinaigre risque de tomber en désuétude. En effet, outre le déclin des sauces à la crème, les tartes à la lyonshe ont quasiment disparu, les oeufs sont rarement ainsi assaisonnés, etc. Seules les courges, et désormais également les courgettes, sont parfois cuisinées en fricassée, assaisonnées de ces deux ingrédients.