Dans les représentations, les productions locales et traditionnelles, dites « produits de terroir », sont souvent considérées comme des productions immuables et intemporelles. Il n’en est rien. Laurence Bérard et Philippe Marchenay insistent sur ce point : « ‘contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces productions que l’on associe souvent à l’inertie et à l’immobilisme font preuve, pour un certain nombre d’entre elles, d’un dynamisme marqué. Elles sont directement confrontées, à l’innovation face à laquelle elle doivent se positionner, en particulier lorsqu’elles sont l’objet d’une relance vigoureuse, associée ou non à l’obtention d’une protection de type AOC (Appellation d’origine contrôlée) ’»155. Ils soulignent qu’en tant que productions vivantes, elles sont particulièrement sensibles aux changements : « ‘le vivant recèle un potentiel d’évolution et de variabilité considérable ’»156. En effet, les micro-organismes, qui interviennent, en particulier dans l’élaboration des fromages et des charcuteries, sont changeants, tandis que les reproductions végétales ne sont pas indemnes de modifications génétiques. Nous ajouterons que les représentations associées aux aliments, le statut qui leur est accordé, les modes de consommation sont également des éléments variables qui induisent une évolution des productions agricoles et alimentaires locales.
Comme l’ensemble du système alimentaire, les productions locales bressanes ont subi des modifications sensibles durant les cinquante dernières années tant en terme de fréquence qu’en terme de mode de consommation. Des aliments, jadis consommés quotidiennement sont désormais de plus en plus rares, certains étant sur le point de sortir du corpus alimentaire. D’autres, encore présents dans l’alimentation, ont néanmoins vu leurs composantes changer. Enfin, certains ont fait l’objet de nouvelles pratiques culinaires. Le poids respectif des divers aliments s’est nettement modifié. En nous appuyant sur les souvenirs des consommateurs et les rares sources écrites, nous verrons comment la consommation des productions locales a évolué.
Laurence Bérard, Philippe Marchenay, 1998b, p.60-61.
Laurence Bérard, Philippe Marchenay, 1998, p.165.