Le pain n’étant plus fabriqué de manière domestique, la consommation des tartes n’est plus directement liée aux fournées. Celles-ci sont maintenant préparées ou achetées en fonction d’autres occasions et la recette de leur pâte s’en trouve légèrement différente176.
La nature des pâtes employées pour la confection des tartes a effectivement évolué. D’une pâte à pain à laquelle étaient ajoutés des oeufs et du beurre, la pâte est devenue une préparation réalisée pour elle-même à partir des ingrédients de base. Les cuisinières employant moins souvent de la levure de boulanger et s’abstenant parfois d’ajouter des oeufs, les pâtes brisées et les pâtes à foncer se sont progressivement substituées, comme chez cette dernière, aux pâtes à brioche : « ‘maintenant mes pâtes à tarte, je n’y mets pas d’oeufs. Mais autrefois, je mettais des oeufs dans la pâte’ ».
Parmi les variantes des tartes qui se faisaient avant la Seconde Guerre mondiale, certaines se sont maintenues, d’autres ont disparu tandis que de nouvelles sont apparues. En effet, les tartes à la crème et les tartes au sucre*, très courantes autrefois, le sont restées. Il en est de même des tartes au fromage et des tartes à base de bouillie blanche (sorte de crème pâtissière), désormais appelées de manière courante tarte à la frangipane. Par contre, ne sont pratiquement plus consommées les tartes à la courge* et encore moins celles à la lyonshe. La première souffre d’un étrange désintérêt de la part des habitants de Saint-Etienne-du-Bois. Sur un mode similaire, tous les informateurs rencontrés ont déclaré ne jamais en manger : « ‘on connaît mais on l’aime pas bien ’». L’idée même de sa consommation fait rire une informatrice à qui je demande si elle en mange encore ! Pourtant dans d’autres communes, cette variante a mieux résisté. Quant à la tarte à la lyonshe, si elle rappelle des souvenirs impérissables à quelques personnes, elle n’évoque rien à la plupart des autres Bressans. Cette tarte est sur le point de sortir définitivement du corpus alimentaire bressan. A l’inverse, la tarte à la praline*, introduite il y a quelques années par les boulangers pâtissiers (Cf. Chap.5.3.2.2.), connaît un succès grandissant. Elle s’est largement imposée dans les pratiques de consommation au point d’être désormais également confectionnée par les particuliers, comme en témoignent les propos de cette jeune Stéphanoise : « ‘ces dernières années, de temps en temps elle [sa grand-mère] nous fait des tartes pralinées, avec de la praline’ ». A ces tartes présentant une spécificité locale, il faut bien évidemment ajouter les tartes aux fruits, telles les tartes aux pommes, aux prunes, aux abricots, etc., qui sont largement consommées mais sur lesquelles nous n’insisterons pas étant donné leur peu de spécificité locale.
Les brioches, desserts courants lors des repas festifs, ne sont plus autant consommées. En effet, si les personnes âgées gardent un agréable souvenir de la consommation des brioches et plus particulièrement encore de certaines d’entre elles qui ont disparu (« ‘quand on était gamin, le dimanche, ma mère, elle m’achetait ce qu’on appelait un pognon, ça fait une petite brioche ronde, de cette grosseur là, c’était une pâte à brioche ’»), les jeunes générations se détournent de ces pâtisseries. Les brioches ne sont plus autant appréciées et sont délaissées au profit de desserts plus élaborés. Elles restent néanmoins présentes dans les boulangeries pâtisseries, de manière plus fréquente que dans d’autres régions mais en proportion moindre par rapport à autrefois.
Quant aux gaufres, ils ont depuis longtemps perdu leur fonction nourricière. Nous avons vu qu’avant la Seconde Guerre mondiale, la farine de sarrasin n’étant plus utilisée, les gaufres étaient confectionnés avec de la farine de froment. Avec le développement des appareils électriques, les fers plats ont été abandonnés et les gaufres se sont modifiés, devenant plus épais et moins craquants. Depuis quelques temps, ces gaufres plats sont remis à l’honneur lors de manifestations et fêtes associatives et à nouveau fabriqués : les gaufres les plus croustillants, les plus fins, les plus dorés possibles sont les plus appréciés. Certains particuliers ont retrouvé des fers plats et ne confectionnent désormais plus que ces « gaufres bressans177 » qui sont considérés comme plus digestes, moins gras et qui se conservent mieux. Dans certaines préparations, la farine de sarrasin a même été réintroduite.
Concernant l’importance des tartes dans le corpus alimentaire de certaines régions, nous renvoyons à la lecture de l’article de Danielle Musset (1989) portant sur une enquête menée dans les Alpes-Maritimes.
Le genre des gaufres balancent désormais entre masculin et féminin en fonction des personnes et des occasions. Personnellement, nous emploierons le masculin pour désigner les gaufres bressans confectionnés à partir de fers plats et par opposition, le féminin pour les autres gaufres, plus génériques.