Le « repas de midi »

Le déjeuner est souvent appelé « repas de midi » ou « dîner ».

En guise de dîner type avant les années quarante, il a été proposé la séquence suivante : « ‘quand on avait mangé une, ou les hommes deux assiettes de soupe et une daube comme on y appelait, avec pommes de terre, carottes, tout ça, après le fromage, ça faisait le dîner, on pouvait repartir travailler’ ». Mais d’autres témoignages évoquent une structure composée d’un nombre de plats plus élevé. D’après l’ouvrage C’était Hier 206, le repas de midi comprenait : une soupe de légume ; un plat au lait avec petits pois ou haricots ou oseille avec des oeufs ; parfois une salade avec une omelette ou des pommes de terre à la poêle ou en robe des champs ; selon la saison du ragoût avec des lardons, petits pois, pommes de terre ou du chou au lard et du gratin de courge ; du fromage ; de la marmelade de pommes.

Aujourd’hui, si le repas de midi ordinaire est celui dont la structure se rapproche le plus du modèle évoqué précédemment, les règles sont néanmoins assez souples et les séquences plus ou moins longues. Les repas partagés avec des Stéphanois ont pris des formes variées : des plus simples et rapides, composés uniquement d’une viande accompagnée d’un légume puis d’un fromage (sec ou blanc) et d’un fruit, au plus élaborés comprenant une soupe ou une charcuterie, une salade verte, de la viande et des légumes (parfois plusieurs sortes), du fromage (sec ou blanc), un ou des desserts. La structure du repas dépend des occasions, c’est-à-dire du nombre de commensaux (la famille est-elle ou non au complet ?), de leurs occupations, des aliments à disposition, etc. Ainsi, il nous a été donné de manger dans un même ménage des repas aux structures différentes, comme chez cet éleveur où au moment de la préparation des volailles fines, les repas de midi comprirent une soupe, une salade verte, une viande avec des légumes, du fromage sec puis une brioche (ou un gâteau) avec des fruits au sirop, alors qu’à une autre occasion, moins conventionnelle, le repas fut composé d’un saucisson à cuire servi avec des pommes de terre et une salade verte, un fromage blanc (ou sec) et une mandarine. Généralement le repas de midi comprend de la viande, comme le confirme une bouchère charcutière : « ‘peut-être que le soir, ils la suppriment mais le midi, ils ont de la viande tous les midis ’».

Concernant les productions traditionnelles, l’une des caractéristiques du déjeuner, formulées à maintes reprises par les informateurs, mais qui présente moins de poids aujourd’hui, était l’absence de gaudes au cours de ce repas : « ‘j’ai jamais entendu dire, tu peux en parler à n’importe qui, qu’à midi on en mangeait... ça ne se mangeait pas les gaudes, à midi !’ ». D’ailleurs ce repas se distinguait de son homologue du soir par la présence d’une soupe en substitution aux gaudes. Ces deux repas s’opposent explicitement par la présence ou l’absence de ces deux aliments comme dans cette remarque d’une retraitée agricole : « ‘à midi, dans les fermes, autrefois, on faisait une soupe de pommes de terre et le soir c’était des gaudes. C’était la coutume ’». Cet exemple rappelle que les règles alimentaires peuvent être inclusives ou exclusives : certains aliments sont indispensables à certains repas, tandis que d’autres sont exclus. Aujourd’hui, les gaudes étant peu consommées, elles servent moins clairement à distinguer ces deux repas. Néanmoins, leur présence à midi, lors du repas d’intronisation à la Confrérie des Amis bressans, est perçue comme une transgression à la règle : « ‘alors là oui, on les mange à midi, c’est une exception’ ». Quant à la soupe, autrefois consommée à midi, elle apparaît maintenant très rarement au cours de ce repas pour être servie plus couramment le soir.

Notes
206.

C’était Hier, 1995, p.71.