Les coopératives laitières en Bresse

L’histoire de la création des coopératives laitières en Bresse opère une séparation entre la Bresse de l’est et la Bresse centrale. Jusqu’en bordure du Revermont, à Bény, Saint-Etienne-du-Bois, Montagnat, etc., ont été implantées, au début du XXe siècle - plus tôt dans certaines communes - des coopératives du type des fruitières de Franche-Comté. Celles-ci collectaient le lait d’une seule commune, voire d’un hameau, et le transformaient en gruyère. Dans le reste de la plaine, la transformation laitière s’est orientée vers la production industrielle de beurre, reflet d’une fabrication domestique prédominante. L’essor des « beurreries », ainsi qu’elles furent nommées, se situe entre 1930 et 1940. Boudol244 attribue l’initiative de ce mouvement de créations au Syndicat agricole de Bourg-en-Bresse, structure qui organisa entre 1928 et 1930 des voyages, en Charente, avec des agriculteurs bressans dans le but d’étudier les beurreries coopératives de cette région. Dès 1930 fut créée à Viriat la première beurrerie coopérative de la Bresse, puis en 1934 à Grièges, en 1935 à Moncet et le mouvement s’accéléra jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, événement qui stoppa brutalement ces créations. Boudol signale la supériorité, grâce à la pasteurisation des crèmes, du beurre des coopératives sur celui issu des fabrications domestiques. Avant la guerre, plusieurs coopératives de la région obtinrent d’ailleurs des prix au concours général agricole de Paris. La période qui suivit la guerre se caractérisa par la diversification des productions et en particulier, après les années soixante par l’essor des productions fromagères dont l’emmental. Puis, le contexte économique peu favorable aux petites structures ayant entraîné un mouvement considérable de concentrations, le nombre d’entreprises laitières sur le département chuta fortement passant de 152 en 1960 à 98 en 1970 et 24 en 1994245.

Actuellement, toutes les coopératives fromagères de type fruitière de la Bresse ont disparu, la dernière, celle de Saint-Etienne-du-Bois246, ayant arrêté son activité au début de l’année 1998. Seules subsistent les fruitières situées dans le Revermont à Drom, Simandre-sur-Suran, Villereversure et Treffort-Cuisiat. Ce sont de petites structures qui collectent et transforment chacune le lait d’une dizaine de producteurs laitiers. Comme elles sont traditionnellement orientées vers la production de fromages à pâte pressée cuite, les autres productions, au lait cru, - les fromages blancs, le beurre, la crème - sont considérées comme secondaires. Le fromage fort apparaît plus encore comme un sous-produit. La fabrication principale de ces fromageries est en effet le comté.

Dans la Bresse centrale, les laiteries de Saint-Trivier-de-Courtes, Foissiat, Etrez, Bourg, Saint-Denis fabriquent du beurre, de la crème, des fromages blancs, mais aussi pour certaines de la raclette ou d’autres fromages frais. A titre indicatif, la beurrerie de Foissiat, collecte 7,5 millions de litres de lait chaque année, provenant de cinquante producteurs de Foissiat et de Lescheroux et fabrique 150 tonnes de beurre de baratte, 240 tonnes de crème fraîche et 150 tonnes de fromage blanc. Elle confectionne également du pourri ou fromage vieux et divers fromages de son invention (dont un fromage frais, pré-égoutté, destiné à la fabrication des tartes au fromage247). La coopérative d’Etrez, plus importante depuis sa fusion avec celles de Marsonnas et de Beaupont, traite 28 millions de litres de lait par an et regroupe 120 producteurs implantés sur une zone plus large. L’emmental et la raclette permettent d’écouler une bonne partie du lait, mais le beurre représente néanmoins 315 tonnes, la crème 950 tonnes et les fromages blancs 360 tonnes248. Ces deux coopératives sont particulièrement réputées pour leur beurre, leur crème et leurs fromages blancs. Dans ce type de coopératives, le beurre et la crème, pasteurisés, se caractérisent par le soin qui est apporté à leur fabrication, en raison d’une réelle culture du produit partagée par les fabricants. La maturation biologique, associée à une durée et une température contrôlées attentivement, permettent aux ferments de donner à la crème tout son arôme. Les procédés de fabrication rendent possible l’élaboration de plusieurs types de crèmes : la crème fluide appelée crème fleurette est refroidie après pasteurisation, puis conditionnée, tandis que la crème épaisse est ensemencée en ferments lactiques et maturée. Le pourcentage de matière grasse varie de 30 à 40%. Quant aux fromages blancs, ils sont moulés à la louche dans des faisselles dont la taille dépend des fabricants. La matière grasse varie de 0 à 40% sur sec. Certaines de ces coopératives fabriquent également du fromage fort.

Il faut signaler, en limite de la Bresse, les coopératives de Servas (en Dombes) et de Grièges (dans le Val de Saône), appartenant toutes deux au groupe Bongrain, qui fabriquent le Bresse bleu, fromage créé par la première en 1952 et qui jouit d’une grande notoriété, bien au-delà de la région.

A côté des ateliers, chacune des fromageries et beurreries de la Bresse et du Revermont dispose d’un local où sont directement commercialisés aux particuliers les produits de la coopérative, et parfois même ceux d’autres structures.

Notes
244.

A. Boudol, 1949, p.142. Cet auteur, ingénieur agronome, était alors Directeur adjoint des Services agricoles de l’Ain.

245.

Agreste, 1996.

246.

Bien que située en frontière intérieure de la zone d’appellation du comté, cette coopérative n’en a jamais fabriqué. Elle produisait du gruyère.

247.

D’autres coopératives commercialisent ce type de produits, ce qui témoigne de la réalité que représentent ces fabrications domestiques de tartes.

248.

Guide de Montrevel et de son canton, 2001, p.60.