3.1.5. Les commerces de proximité

Bien qu’ayant fortement chuté, le nombre de commerces de proximité implantés dans les villages reste assez élevé en Bresse. Les principales communes possèdent une boucherie charcuterie et une, voire deux, boulangeries pâtisseries. Les épiceries, moins nombreuses, sont néanmoins courantes. Lorsqu’il n’y en a pas, les bouchers ou les boulangers proposent souvent, en complément de leurs produits, quelques denrées de l’alimentation générale, pour dépanner leurs clients : produits laitiers, conserves, aliments de base, parfois quelques surgelés, etc.

A Saint-Etienne-du-Bois, le bourg comprend une boucherie charcuterie, deux boulangeries pâtisseries (distinguées par les habitants soit par le nom des commerçants soit par leur localisation dans la rue principale qui est montante : « celle d’en bas » et « celle d’en haut »), une épicerie (deux il y a quelques années de cela), un grainetier, une « crémerie » (le point de vente de la fromagerie jusqu’à la fin de 1998, puis le magasin de souvenirs en limite du bourg), trois restaurateurs. Au-delà du domaine alimentaire, - le nombre de ces commerces permettant d’évaluer la taille et le dynamisme de la commune -, sont également implantés un tabac-presse-bar, un fleuriste, une pharmacie, un tapissier décorateur, un magasin d’appareils Hi-Fi, etc.

Actuellement, les commerces alimentaires de Saint-Etienne-du-Bois n’ont guère de fervents clients. Si les habitants s’y rendent, c’est par commodité mais aucun n’a exprimé un attachement à l’un ou l’autre des fabricants comme ce fut le cas, il y a quelques années, pour l’un des boulangers dont les brioches et les tartes ont marqué le souvenir des Stéphanois qui l’ont connu. Une habitante regrette : « ‘y a un temps, y avait l’ancien boulanger en bas, monsieur C., ben le pain était bien meilleur qu’en haut. Au niveau des brioches, on ne retrouvera jamais les brioches que C. faisait avant. Ah oui, elles étaient légères, elles étaient excellentes. La brioche de C. elle avait quelque chose, elle était... C’est vrai que maintenant on n’a pas les mêmes... ça manque un peu. Ma mère en achète, mais je ne sais pas où. Elle doit la prendre à la boulangerie du bas, elle est bonne, mais il manque un petit quelque chose, je trouve que c’est pas la même chose’ ». La fidélité aux commerces de Saint-Etienne-du-Bois est désormais moins forte. Certains Stéphanois achètent leurs brioches sur le marché ou dans d’autres communes. Ainsi, si les uns et les autres se demandent respectivement chez quel boulanger ils se fournissent, c’est souvent par simple curiosité, peut-être car le consensus est difficile à établir sur la qualité de l’un ou de l’autre. Après m’avoir interrogée avec un vif intérêt sur mes pratiques et alors que je lui retournais sa question, cette interlocutrice se reprend : « ‘je demande comme ça, parce que j’aime bien savoir. Moi, ça dépend, ça dépend où je me gare. Si je me gare vers l’église, je vais en bas, si je me gare à la mairie, je vais en haut. Mais te dire où il est le meilleur, ça je ne pourrai pas te le dire’ ». Par contre, deux boulangeries des communes voisines bénéficient d’une telle réputation que les habitants de Saint-Etienne-du-Bois s’y rendent régulièrement : il s’agit de la boulangerie de Bény où le pain cuit au feu de bois présente une spécificité marquée que les consommateurs savent reconnaître et de la boulangerie de Villemotier, où celui-ci est également cuit au feu de bois mais désormais de manière moins traditionnelle. Aux yeux des consommateurs, l’attrait pour la cuisson au feu de bois justifie largement, au moins les week-ends, un aller-retour de près d’une douzaine de kilomètres pour se procurer ces produits.

Si malgré la concurrence des grandes surfaces, les boulangeries pâtisseries et les boucheries charcuteries sont régulièrement fréquentées pour l’achat d’un certain nombre de produits génériques (viande rouge, pain, plats cuisinés, etc.), l’acquisition des productions locales partage plus largement les Bressans. Seul un certain nombre d’entre eux achètent régulièrement des tartes, du boudin ou du civier chez les artisans. Ces consommateurs sont majoritairement des personnes seules (veuves ou célibataires), des jeunes, des personnes qui ne cuisinent pas beaucoup ou qui sont originaires d’une autre région. A l’inverse, toute une partie de la population ne se procure jamais ces productions locales en magasin : soit elles les fabriquent soit elles les obtiennent par d’autres réseaux (dons et vente lors de manifestations associatives), soit elles préfèrent ne plus en consommer. Il s’agit de personnes qui ont une exigence particulière vis-à-vis de ces produits et qui sont dans une proximité plus grande avec le système de production, qui sont en somme des consommateurs connaisseurs. De manière globale, ces productions locales achetées chez les artisans sont moins appréciées que leurs homologues faites maison, mais plus valorisées que celles vendues en grande distribution. Nous allons voir que, si les tartes artisanales sont seulement moins exaltées que celles faites par les particuliers, les charcuteries du secteur professionnel font l’objet d’un discours nettement dévalorisant.

Quant aux volailles de Bresse, les habitants locaux s’abstiennent d’en acheter dans les boucheries charcuteries en raison de leur prix élevé252.

Notes
252.

Leur prix s’élève en moyenne à 10,50 euros le kilo (soit approximativement 70F/kg), sachant qu’un poulet varie autour de 2kg.