Vendredi 23 octobre : venler la paria

L’équipe de Jean s’est encore levée tôt ce matin pour effectuer une nouvelle opération : la cuisson des poires. Le rendez-vous était fixé à 4h30 pour allumer un feu, cette fois sur le lieu de la fête, devant la ferme de la Claison. Après avoir été versé dans l’un des chaudrons de cuivre, le jus réduit des pommes est placé, vers 5h30, toujours avec les mêmes précautions, au-dessus du foyer. Environ une heure après, alors que le liquide atteint l’ébullition, les quartiers de poires sont jetés dans le chaudron. Il faut plus d’une heure et demie avant que l’ébullition ne reprenne. En cuisant, les poires tombent progressivement au fond du chaudron et risquent d’accrocher : il est donc nécessaire de remuer dès qu’elles sont à mi-hauteur. Plusieurs techniques permettaient autrefois d’évaluer le juste moment pour commencer à remuer (Cf. Chap. 5.1.1.1.). Les organisateurs utilisent celle qui consiste à planter tout doucement une baguette d’osier dans le mélange afin de sentir la profondeur atteinte par les fruits. Ils plantent chacun à leur tour la baguette et discutent de leurs impressions : « ça ne va pas tarder » estime l’un d’entre eux, « encore un peu » contredit un autre. André rappelle précautionneusement qu’» il vaut mieux remuer cinq minutes trop tôt que cinq minutes trop tard ». Vers 10h30, ils jugent d’un commun accord qu’il est donc temps de venler. Il s’agit, à l’aide d’un velyo - long bâton à l’extrémité coudée et terminée par une pièce de bois cylindrique, fixée perpendiculairement (Cf. Annexe 17) - de mélanger le contenu du chaudron et surtout de racler de manière rigoureuse et régulière le fond. Jusqu’à 17h20, soit pendant près de sept heures, les membres du groupe vont se relayer, de façon à ce que la paria soit venlée en permanence. Au fil de la cuisson, le mélange s’épaissit et devient de plus en plus difficile à venler. Les participants surveillent attentivement qu’il n’attache pas. En fin d’après-midi, ils observent les indices de fin de cuisson : ils notent que la paria s’est assombrie et repèrent que le bruit de l’ébullition est plus sourd et plus profond, la paria s’étant épaissie. Pour vérifier que la cuisson est suffisante, ils utilisent alors le test de l’assiette qui consiste à verser une petite quantité du mélange dans un assiette qui est alors renversée : celle-ci doit former une goutte bombée et ne pas couler trop rapidement. Pour confirmer ce test, les organisateurs goûtent la paria et comparent sa saveur plus ou moins caramélisée par rapport aux préparations des années précédentes : « l’année dernière, on l’avait faite plus cuire » estime l’un d’entre eux. Un autre va chercher son épouse, en train de peler des poires dans la salle voisine, pour solliciter son avis. La cuisson finit par être déclarée suffisante. Jean et Joseph attrapent le chaudron, le sortent du feu et le posent, cette fois sur un vieux pneu, en attendant qu’il refroidisse.

Afin de faire honneur à cette première préparation, une dégustation s’organise, à laquelle participent les bénévoles ayant venlé la paria ainsi que ceux, plus nombreux ce jour-ci, qui sont venus peler des poires pour les chaudrons du lendemain. Ceux-ci viennent justement de terminer leur travail. Une femme est allée chercher du pain à la boulangerie du village tandis que Joseph sert deux grosses assiettes de paria et les porte dans la salle voisine. Chacun tartine de la paria, encore tiède, sur du pain pendant que sont servies des boissons (café, vin ou jus de fruit).

Avant de partir, Joseph verse la paria, à l’aide d’une louche, dans cinq jarres en terre cuite. Elles seront toutes pesées afin d’évaluer la quantité produite lors de cette première fabrication : soixante kilos.