3.2.2.1. Préparation du civier

Contrairement aux autres charcuteries, et en particulier au boudin et aux saucissons, nous considérons que le civier relève de la cuisine stricto sensu et non de la technologie alimentaire pour plusieurs raisons. La plus évidente relève de la répartition sexuelle des tâches. Si traditionnellement en Bresse la majorité des charcuteries étaient transformées par le tueur, celui-ci ne s’occupait jamais du civier. Cette production était à la charge des femmes, sexe auquel incombaient les tâches nourricières. Cette coutume donne à la préparation du civier une image plus culinaire que celle des autres productions issues du porc. Par ailleurs, la localisation de cette fabrication est révélatrice : alors que l’abattage du porc ainsi que la découpe et les charcuteries fabriquées par le tueur sont réalisés en extérieur ou dans un espace assimilé, la fabrication du civier a lieu dans une pièce fermée, généralement plus intime, plus privée. Même s’il s’agit rarement de la cuisine familiale, cet endroit se rapproche du domestique. La logique d’évolution de l’animal vers l’aliment continue à être lisible de manière spatiale au travers du déplacement des opérations de l’extérieur vers l’intérieur, du public à l’intime, du « secteur souillé » au « secteur propre ». D’ailleurs, cette charcuterie n’est généralement pas confectionnée dans la continuité temporelle immédiate de l’abattage, mais souvent plusieurs jours après, afin que la viande ait été dégorgée. Enfin, le civier relève de la cuisine stricto sensu dans la mesure où une fois sa préparation terminée, tout juste refroidi, ce plat est prêt à être consommé, tandis que les autres charcuteries nécessitent soit un temps de maturation (c’est le cas du saucisson), soit une préparation culinaire (le boudin par exemple).