3.3.1. Conservation en l’état et conservation sèche

La conservation en l’état est employée pour de nombreux fruits et légumes. Les pommes et les poires sont entassées dans des cagettes, les pommes de terre posées en tas dans la grange, les châtaignes rassemblées dans un sac en toile, etc. Les réserves sont régulièrement surveillées : les spécimens atteignant l’état de pourrissement sont soigneusement jetés. Dès qu’elles sont ramassées dans le jardin, les courges sont stockées au plus vite dans un endroit frais et aéré. Parfois par dizaines, elles sont déposées sur de la paille ou une palette en bois dans une grange, un garage, un hangar, une cave, « une étable où il ne fait pas chaud » ou encore comme autrefois « ‘sur les armoires, dans les coins. Dans une pièce où y avait pas de chaleur’ ». Si le lieu de stockage est très frais, on vérifiera durant l’hiver qu’elles ne risquent pas de geler ; pour cela, certains les recouvriront de paille. Les courges sont prélevées une à une, juste avant d’être utilisées pour la cuisine ou d’être données : celles qui montrent des signes de détérioration sont choisies en priorité. Ainsi régulièrement surveillées, les réserves sont protégées des risques de pourriture. Car ces légumes ont en effet la réputation de bien se conserver tels quels mais exigent d’être attentivement vérifiés : « ‘elles se conservent comme ça, entières, mais... faut toujours les surveiller car elles ont vite fait de pourrir’ » prévient une jeune Stéphanoise déjà sensibilisée à ce sujet. Certaines variétés de courges se maintiennent mieux que d’autres : ainsi la courge à cochon est réputée se garder moins longtemps que la melone « ‘qui se conserve souvent jusqu’au mois d’avril’ ». Toutefois, celle-ci finit elle aussi par s’abîmer. C’est pourquoi une agricultrice s’étonne de la gestion de son voisin sur le marché de Bourg-en-Bresse : « ‘il les [ses courges] garde d’une année sur l’autre. Enfin, il n’a pas fini. L’année 99, elle va se finir en juin 2000, juin-juillet 2000, quand les autres vont déjà être ramassées pour en vendre des nouvelles. Et il a les nouvelles, mais il vend toujours encore les vieilles’ ». Lorsque les courges commencent à s’abîmer - qu’elles se tachent de moisissures ou pourrissent en quelques endroits -, mais également une fois qu’elles sont entamées, elles ne peuvent plus être entreposées ainsi, au risque d’être perdues. Il faut alors les conserver autrement ou les distribuer et les consommer au plus vite.

Quant aux courgettes, « ‘chez nous, elles ne se conservent pas’ » déclare l’interlocutrice précédente, tandis qu’une autre précise : « ‘elles durcissent après et elles ne sont plus aussi bonnes ’». Elles ne font donc pas l’objet d’une réserve comme les melones ou les courges à cochon.

La technique de conservation en l’état peut être assortie d’une technique de « conservation sèche » pour reprendre l’expression d’André Leroi-Gourhan lorsque « ‘le séchage des produits est conduit à l’air libre, au soleil, ou en local clos sous l’action de la chaleur’ »299. Tel est le cas des haricots en grain qui sont gardés dans leur cosse : « ‘la cosse devient mûre, sèche, dure, elle n’est plus verte-blanche comme avant. S’il fait beau la cosse sèche. Quand je les ramasse, je les laisse avec la cosse. Je les mets dehors quelques jours les après-midi où il fait beau, ensuite, je les défais et les conserve comme ça tout l’hiver. Autrefois, c’était ce qu’on faisait. On les faisait sécher au soleil et dans l’hiver, on les montait au grenier et quand on voulait faire un plat, on en écossait la veille et on les mettait tremper dans une jatte avec de l’eau’ ». Néanmoins, au séchage, qui est de moins en moins employé, s’est substituée la congélation des haricots mi-mûrs comme le reconnaît l’interlocutrice précédente : « ‘maintenant ceux que je laisse mûrir, c’est pour avoir des semences pour l’année prochaine, pas pour manger’ ». Par contre, les noix sont toujours conservées entières, dans leur coque et stockées dans un garage ou une grange, par ceux qui possèdent des noyers, après avoir été mises au soleil quelque temps.

Notes
299.

André Leroi-Gourhan, 1973 (1945), p.164.