3.3.2. Conservation par suppression de l’eau ou de l’air

Les techniques de conservation de certains produits ont donné des aliments en tant que tels, bien spécifiques et dont l’aspect est très différent de celui du produit d’origine. Ainsi, de la technique de conservation par dessiccation des poires, est née la paria. Car l’intérêt domestique de cet aliment a d’abord été d’être un procédé de conservation : « ‘c’était le moyen pour utiliser les fruits puisqu’on n’avait pas de froid, y avait rien. Le seul moyen, c’était de les transformer : de les faire cuire d’une façon pour les conserver ’». Cette réduction de la pulpe par la chaleur permettait de garder les fruits et de constituer des réserves pour une très longue période (Cf. Chap.5.1.1.1.). Pourtant et étrangement, la paria, désormais uniquement fabriquée à l’occasion de la fête de Saint-Etienne-du-Bois, ne semble plus représenter un moyen de conservation. Les pots obtenus à cette occasion sont stockés au réfrigérateur par nombre de Stéphanois comme si la fonction conservatrice de ce mode de transformation des fruits avait été oubliée. Le doute s’est même installé chez des bénévoles de la manifestation :

‘« comme on nous disait “est-ce que ça se conserve ?”, “est-ce qu’il faut la mettre au frigo ?”, “comment est-ce qu’il faut la conserver ?” Je me suis dit : la meilleure solution c’est d’en acheter un pot et puis de la laisser. Et de l’ouvrir de temps en temps, de la laisser dans un endroit qui est à la fois au chaud et au froid, pour voir si vraiment ça se conserve ou pas. Et en fait, j’ai un pot qui est entamé depuis l’année dernière, enfin maintenant ça fait un peu plus d’un an. Et bien de temps en temps, je prends ma petite cuillère et je la goûte. Et je trouve qu’elle ne change pas. Mais ça me permet au moins de dire au gens qui veulent en acheter qu’y a pas de problème, c’est pas une obligation de la mettre au frigo, c’est pas une obligation de la consommer en huit jours ou en quinze jours ». ’

Certains consommateurs justifient le fait de la maintenir au réfrigérateur en prétendant que la paria est moins cuite qu’auparavant, d’autres que les pots en plastique ne permettent pas la conservation. Tout se passe comme si la paria avait perdu sa fonction et était devenue un simple aliment dont il faut désormais prévenir la détérioration par une technique de conservation contemporaine, peut-être mieux connue et comprise par les consommateurs actuels, la réfrigération. Dans les représentations contemporaines, il semble que ce moyen soit le plus à même de conserver les aliments. Les deux techniques de conservation se superposent alors pour la paria.

La même précaution est prise concernant les volailles fines. L’emmaillotage des volailles a une fonction conservatrice indéniable comme le souligne Robert Ferraris : « ‘le roulage permit de “prolonger” la conservation des poulets, chapons et poulardes. La chair n’est plus en contact avec l’air ambiant, protégée par un linge blanc. A l’intérieur de la toile, la bête est compressée, n’a presque plus d’air dans les entrailles effilées, diminuant ainsi les risques d’invasion microbienne ’»300. Pourtant, dans les représentations, cette fonction de conservation disparaît au profit des fonctions esthétique et gustative de cette pratique, si bien que désormais, les volailles sont précautionneusement entreposées au réfrigérateur, et, au-delà de quelques jours, au congélateur pour plus de sécurité.

Notes
300.

Robert Ferraris, 1991, p.66.