4. Connaissances et représentations
des productions locales

Les productions locales et traditionnelles présentent la spécificité d’être à la fois évolutives, polymorphes et variables306. Chaque production fait en effet l’objet de variations plus ou moins importantes en fonction des fabrications. Les produits ne sont pas tout à fait les mêmes à chaque élaboration (les fabrications domestiques et artisanales sont souvent différentes d’une occasion de préparation à une autre), les résultats obtenus présentent des nuances selon les sphères de production (les échelles de production - domestique, artisanale ou industrielle - exigent des techniques appropriées et des ajustements qui ne sont pas sans conséquence sur le produit), et même au sein de chaque sphère des différences sont notoires d’un fabricant à un autre. De plus, les produits évoluent avec le temps puisque les fabrications se modifient de génération en génération.

Face à cette variabilité se pose la question de la reconnaissance et de l’identification des productions locales et traditionnelles. Il s’agit de savoir comment les consommateurs appréhendent cette diversité. Selon quels critères, désigner sous un même nom des produits dont l’aspect, la forme, le goût, etc., peuvent varier d’une fois à une autre, d’un fabricant à un autre ? En somme, comment considérer comme une même catégorie des productions aux visages multiples ? Ceci renvoie aux questions de dénomination et de taxinomie des aliments, qui reposent sur la connaissance des produits et la capacité de perception des individus.

Mais ce constat de la variabilité suppose également la question de l’attachement des consommateurs aux produits. Quelles sont les subtilités organoleptiques, liées tant à la nature du produit qu’à son mode de consommation, auxquelles les consommateurs sont attentifs et qui participent à l’identité des aliments ?

Alors que l’alimentation mobilise les cinq sens, nous verrons lesquels sont sollicités pour appréhender les productions traditionnelles bressanes. Par ailleurs, les consommateurs amateurs sont attentifs et attachés à un ensemble de subtilités organoleptiques et de pratiques de consommation, collectivement partagées mais qui ne sont pas toujours perceptibles par les non-connaisseurs. Les pratiques des artisans qui commercialisent ces produits reflètent, par leur prise en considération, l’importance de ces subtilités alimentaires. Enfin, nous observerons les logiques de désignation et de taxinomie à partir des exemples de trois productions traditionnelles bressanes.

Notes
306.

Cf. à ce sujet, Laurence Bérard, Philippe Marchenay, 1998.