De la crème pour faire du beurre...

Les souvenirs concernant la consommation de la crème par les particuliers sont divergents. Ainsi, certains Bressans affirment que la crème, réservée à la fabrication du beurre, était très peu consommée (« ‘la crème, c’était pas l’aliment principal des Bressans. La crème, c’était pour faire le beurre ’»), tandis que d’autres soutiennent que la crème, contrairement au beurre, était courante dans la cuisine bressane (« ‘ils faisaient leur beurre une fois par semaine. Au fil de la semaine, elle avait toujours des cruches de crème, à sa disposition, puisqu’ils écrémaient le lait. Il y avait de la crème tout le temps, donc ça lui était facile d’aller chercher une cuillérée de crème et de la mettre dans ses plats. Elles en mettaient de partout. [...] La crème c’était pas un produit fini, donc elle[s] pouvai[en]t en prendre, ça faisait moins de tort finalement ’». Probablement que d’une famille à une autre les situations étaient différentes mais la question de l’époque de référence, rarement précisée par les informateurs, est ici évidente. Le contexte économique devenant plus aisé, les cuisinières se sont progressivement autorisées à puiser dans les réserves de crème, normalement conservées pour la fabrication du beurre. Ainsi, certains propos se rapportant à un temps plus ancien que d’autres, les histoires ne sont alors pas les mêmes.

Concernant les techniques d’écrémage du lait, les souvenirs ne sont, là encore, pas identiques. Beaucoup décrivent la technique la plus simple qui consiste à recueillir la crème qui, en raison de sa plus faible densité, surnage à la surface du lait : « ‘vous mettez le lait dans un récipient assez large, la crème monte dessus. Comme dans le temps, c’était la technique de l’écrémage, y avait pas d’écrémeuse. Dans les temps anciens, ils mettaient ça dans des, comment ils appelaient ça ? des rondots ? C’était très large, ils mettaient du lait et après ils écrémaient le dessus ’». D’autres se souviennent des écrémeuses : « ‘on a toujours eu une écrémeuse, chez nous. Moi j’ai tourné l’écrémeuse, l’écrémeuse tous les repas, puis la baratte une fois par semaine’ ». Concernant cette activité, les différences proviennent non seulement de l’époque de référence (« ‘l’écrémeuse est apparue dans les fermes avant la guerre de 14 parce que je sais que chez nous, chez mes parents, à la ferme mon grand-père avait une écrémeuse’ »), mais également de la taille des exploitations (« ‘j’ai vu les deux moi, j’ai vu chez mes parents, y avait les voisins qui écrémaient [avec une écrémeuse], mais ma grand-mère qui avait trois vaches, on descendait à la cave, je tenais une bougie et puis elle ramassait, elle cueillait’ »), ou encore de l’objectif recherché : si l’écrémage avait pour finalité la commercialisation, il devait être plus complet que s’il était destiné à une consommation domestique (« ‘on gardait du lait pour nous. Alors on le mettait dans un pot et puis la crème remontait. Alors ma mère, elle ramassait le dessus, elle mettait dans un bol et ça nous faisait de la crème pour utiliser’ »).

Quoi qu’il en soit, tous se souviennent que la crème était intimement liée au beurre, puisqu’il s’agissait avant tout d’une matière première destinée à la fabrication de ce corps gras.