La représentation d’une cuisine régionale apparaît aujourd’hui comme une évidence : elle est sollicitée tant par les politiques que les agents du développement touristique, les restaurateurs, les auteurs d’ouvrages culinaires ou encore les habitants. Pourtant, celle-ci n’a guère plus d’un siècle. En effet, comme le montre Julia Csergo, si la patrimonialisation actuelle de la gastronomie « ‘apparaît plutôt comme l’ultime étape d’un processus engagé dès la fin du XVIIIe siècle’ »434, ce n’est qu’au début du XXe siècle que s’effectue « ‘le phénomène de “monumentalisation” de la spécialité locale [...] en liaison même avec la notion de site patrimonial qu’il soit architectural ou paysager’ »435. Pascal Ory insiste sur le rôle qu’a joué à cette époque l’essor élitiste du tourisme : « ‘la décentralisation gastronomique est aussi liée au développement des transports et, d’abord, au plus bourgeois de tous jusqu’au milieu du siècle, l’automobile’ »436. Dans les années 30, les écrits de Curnonsky, Rouff et Croze, destinés aux touristes, sont parmi les plus célèbres de ces « ‘éditions parisiennes d’ouvrages qui célèbrent la richesse gastronomique de la France dans l’ensemble de ses composantes régionales et sociales, affichant, depuis l’extrême sophistication jusqu’à la plus parfaite rusticité culinaires, le nouveau visage de la gastronomie française’ »437. Ces ouvrages qui cherchent à inventorier la diversité alimentaire de la France ont largement participé à la construction des images culinaires associées à chaque région.
Julia Csergo, 1997, p.184
Ibid. p.189.
Pascal Ory, 1992, p.846.
Julia Csergo, 1997, p.188.