5.4.3.2. Mise en scène patrimoniale, soutien du tissu économique local

Le Comité des fêtes de Bourg-en-Bresse a été fondé en 1952 par le Maire de l’époque pour « ‘mettre en place des manifestations qui animeraient la ville et regrouperaient les Bressans’ » déclare l’actuelle Présidente de l’association. La Saint-Cochon est organisée par cette structure au même titre que d’autres actions telles que le « dimanche des fleurs », un concours de déguisement pour les enfants à la mi-carême, la participation à l’organisation du 14 juillet, à la Foire de Bourg-en-Bresse, aux Glorieuses, etc. Cette manifestation repose sur un objectif d’animation de la ville, c’est pourquoi elle se déroule dans l’un des lieux les plus significatifs, connus de tous, la halle du marché forain. Comme toute animation, elle vise à entretenir les relations de sociabilité au sein de la commune et des environs. Salutations, échanges discursifs, communications spontanées, intérêt porté à l’un ou à l’autre, la Saint-Cochon fait parler. Au son de la musique, la buvette invite aux conversations. Chacun s’attend à rencontrer tel ami, à croiser une connaissance et remarque l’absence de tel autre.

De plus, l’organisation de cette manifestation est l’occasion de créer des liens forts entre les membres du Comité des fêtes. Comme autrefois dans les fermes, alors qu’un repas était partagé entre parents et voisins à la suite de l’abattage des porcs, les organisateurs et les professionnels se retrouvent le soir de la Saint-Cochon. Le menu, composé bien entendu de charcuteries, est le même chaque année : civier et boudin aux pommes, fromage et tarte. La préparation de ce repas accueillant près d’une quarantaine de commensaux demande, elle aussi, de l’organisation car si le boudin est celui qui a été fabriqué lors de la démonstration, les 15 kg de pommes qui accompagnent cette charcuterie ont dû être épluchées la veille. Quant au civier, il a été réalisé, également à l’avance, par l’une des organisatrices, à partir de deux têtes de cochon, ce qui l’a occupée quasiment pendant une journée entière. L’existence de ce repas, auquel tout le monde tient, malgré les efforts supplémentaires qu’il réclame, prouve son intérêt social. Après la manifestation publique, il s’agit là d’une fête entre soi, qui participe à la cohésion sociale et au cours de laquelle sont consommées des charcuteries à connotation identitaire.

Mais la Saint-Cochon est avant tout une démarche de valorisation du tissu économique local puisque les professionnels de la charcuterie, artisans ou producteurs fermiers, sont directement concernés. La décision de réserver les emplacements aux seuls commerçants de la Communauté de communes marque la volonté de promouvoir les acteurs locaux et de participer à la vitalité économique de la ville. Dès le début du projet, ils ont été associés à l’organisation de cette manifestation. Les retombées commerciales sont d’ailleurs l’une des attentes auxquelles tient explicitement le Comité des fêtes. La réussite de la manifestation se mesure, entre autres, aux critères économiques : « ‘c’est en augmentation, d’ailleurs on le voit par le chiffre d’affaire des bouchers, on le voit très bien par le chiffre d’affaire de la buvette’ ». En effet, les professionnels tirent un bénéfice économique non négligeable de cette journée, ce qui se traduit par une demande croissante d’emplacements de la part des charcutiers qui souhaitent y participer.

Cette action de développement local s’appuie sur la démonstration d’un moment remarquable de la vie rurale d’autrefois, c’est-à-dire le jour d’abattage du porc familial. Cette animation fait donc passer une réjouissance familiale (« le jour du cochon ») au statut de fête collective (« la Saint-Cochon »). Elle repose sur la valeur nostalgique d’une activité : « ‘on a voulu reconstituer dans un centre ville, dans un centre de gros bourg, une animation liée à un travail ou une tradition qui se pratiquait dans les fermes autrefois’ ». Au cours de ce spectacle, c’est du passé qui se donne à voir, bien que la Présidente de l’association reconnaisse que cette activité puisse encore avoir lieu dans certaines fermes. De manière générale, comme nous allons le voir, l’image entretenue est celle d’une tradition révolue. La référence à la succession des générations dénote cette volonté d’ancrer la démonstration dans l’autrefois : « ‘les personnes âgées viennent car pour elles, c’est revivre ce qu’elles ont connu. Y a aussi les parents d’enfants petits, qui viennent expliquer ce qui se faisait chez leurs grands-parents’ ». Cette activité rurale a été retenue pour des raisons de commodité car aux yeux des organisateurs, c’est celle qui rend le plus facilement possible une démonstration : « ‘ben l’hiver, dans les fermes, il ne se faisait pas grand chose. Si ce n’est le dépillage du maïs. Mais est-ce que c’est très attrayant ? Pour les gens qui viennent ?’ ».