5.4.5. Les Glorieuses de Bresse

5.4.5.1. Déroulement des manifestations

Manifestations les plus prestigieuses et les plus célèbres de la région, les Glorieuses désignent les concours de volailles de Bresse qui se déroulent chaque année au mois de décembre depuis plus d’un siècle, dans quatre communes de la Bresse à savoir Bourg-en-Bresse, Montrevel-en-Bresse et Pont-de-Vaux dans le département de l’Ain et Louhans dans celui de Saône-et-Loire. Lors de ces concours, qui se succèdent durant une semaine avant les fêtes de Noël, les meilleurs éleveurs présentent leurs plus beaux spécimens de chapons, poulardes et poulets roulés ainsi que dindes, oies et canards appelés volailles secondaires. Ils participent à un seul ou à plusieurs de ces quatre concours. Ces manifestations se déroulent de manière similaire bien que chacune présente quelques spécificités. Le concours de Bourg-en-Bresse, le premier créé, en 1862, est le plus important tant en nombre de volailles exposées (autour de 1 500) que de visiteurs (en 2000, les organisateurs ont compté plus de 6000 personnes entre 10h et 14h avant d’abdiquer, la tâche étant particulièrement difficile en raison de la gratuité de l’entrée). Dans la mesure où cette manifestation se déroule un samedi et que l’inauguration officielle et la lecture du palmarès n’ont lieu qu’en cours d’après-midi, de nombreux visiteurs prennent le temps de déjeuner sur place, au Parc des Expositions de la ville. Des expositions, des démonstrations de roulage de volailles, ainsi que des dégustations et des ventes de productions festives (foie gras, vins fins, fromages, etc.) attirent également le public. D’après le Comité des fêtes de Bourg-en-Bresse, impliqué dans l’organisation, le public est tant local qu’étranger : « ‘il y a des visiteurs qui viennent de quasiment tout l’est de la France, plus la Suisse et l’Italie. Et quelques Belges’ ». Le concours de Pont-de-Vaux attire un public de proximité : ayant lieu le dimanche, il est également associé à d’autres animations (expositions gastronomiques, dégustations, groupes folkloriques, journée commerciale dans la ville, etc.). Au concours de Louhans se présentent plus particulièrement les éleveurs de Saône-et-Loire. Celui de Montrevel-en-Bresse, que nous avons choisi de décrire plus précisément, est présenté comme le plus professionnel. En effet, ayant lieu en début de semaine, il est fréquenté par les grands chefs cuisiniers et les personnalités : « ‘il y a beaucoup d’étoiles ce jour-là. Ils viennent de Paris, du Midi. Il y a du Bocuse, du Blanc... ils viennent tous de très loin’ » s’enorgueillit l’une des organisatrices.

Le jour du concours, la trentaine de concurrents 526 arrive très tôt le matin à la Salle des fêtes de Montrevel-en-Bresse. Des tables, recouvertes de nappes blanches, ont été dressées dans toute la halle ; chacune correspond à une catégorie, indiquée par un cartel : lots de deux ou quatre chapons, lots de deux ou quatre poulardes, lots d’un chapon et une poularde, lots de deux canards, etc. Les éleveurs installent patiemment leurs bêtes sur les espaces qu’ils ont réservé à l’avance, dans chaque catégorie : après avoir démailloté les volailles, ils les choisissent, les comparent, les déplacent pour faire les lots les plus homogènes possibles. Ce moment est décisif, la tension est grande chez les concurrents. Calée entre des petits coussins molletonnés, chaque volaille est disposée en bord de table, le cou pendant dans le vide. Les plumes conservées autour de la tête s’ouvrent et forment une jolie collerette blanche. Les corps sont décorés d’un petit ruban de couleur. A l’extérieur du bâtiment, les éleveurs disposent les volailles qu’ils font concourir vivantes. En 2001, il y avait, toutes catégories confondues, 753 volailles exposées (contre 1207 en 1991).

A 7h30 du matin, une fois l’installation terminée, les éleveurs se retirent pour laisser la place au jury composé de personnes renommées, de restaurateurs, de vétérinaires, d’anciens producteurs et de personnalités invitées (membres de l’INAO, du CNRS, etc.). Chaque membre du jury se voit attribuer une catégorie. Par petits groupes de trois à cinq, ils examinent minutieusement les volailles, sans les toucher, excepté pour ouvrir les paupières et analyser la collerette : la couleur de la peau et des pattes, la répartition de la graisse, les éventuelles blessures, la vivacité des yeux, l’aspect de la collerette, l’uniformité des lignes, le grain de la peau, etc. Après avoir commenté leurs appréciations et argumenté leurs choix, ils s’entendent pour récompenser les plus beaux spécimens : grand prix d’honneur, prix d’honneur, 1er prix, 2ème prix, 3ème prix, 4ème prix ; le nombre de récompenses varie selon les catégories. Après avoir disposé les diplômes sur les volailles primées, le jury se disperse.

Il est à peu près 9h du matin lorsque le public pénètre à son tour dans la salle des fêtes, et que les éleveurs reviennent avec émotion constater le palmarès. Les acheteurs, dont de nombreux restaurateurs, se précipitent pour réserver les plus belles volailles. Une fois le marché conclu, les éleveurs signalent la vente par un signe distinctif car les acheteurs doivent attendre la fin de l’inauguration officielle et la lecture du palmarès qui n’ont lieu qu’à 11h pour pouvoir récupérer leurs achats. En attendant, les visiteurs se promènent entre les rangées de volailles, commentent le choix du jury, émettent leurs propres appréciations. La remise officielle des prix est un moment de grande solennité auquel participent de grands chefs cuisiniers. Est également invitée chaque année une école de restauration française ou étrangère afin de sensibiliser les futurs professionnels à la volaille de Bresse. Enfin, comme l’un des volaillers avait pour habitude d’inviter ses clients à déguster un pot-au-feu dans l’un des restaurants les plus réputés de la commune, le restaurant Chez Léa, les autres restaurateurs se sont mis à proposer également ce plat ce jour-là : il est alors d’usage de poursuivre la manifestation dans un restaurant de la commune.

Ce concours attire un public local important qui donne au bourg un air de fête. Car comme il se déroule toujours un mardi, jour de marché à Montrevel-en-Bresse, ce concours bénéficie immanquablement de la visite des nombreux chalands du marché. Mais, ayant lieu en semaine, il s’agit essentiellement de retraités et de professionnels (restaurateurs, bouchers, volaillers, etc.). A une époque, la « journée du Maire » advenait ce jour-là si bien que les élèves du collège ainsi que des écoles primaires et maternelles étaient en congé au moment de la Glorieuse527. Ceci n’est plus le cas.

Notes
526.

Les concurrents, quarante sept en 1991, n’étaient plus que trente et un en 2001 en raison de la baisse du nombre d’éleveurs de volailles de Bresse.

527.

Robert Ferraris, 1991, p.108.